L’État peut-il changer le comportement des individus ? Il s’y efforce, mais les changements les plus remarquables sont le plus souvent des effets non intentionnels.
Sociologue de l’action, penseur de la société post-industrielle et compagnon de la deuxième gauche, Alain Touraine (1925-2023) a défendu la capacité des sujets à reprendre le contrôle de leur vie. Portrait d’un grand intellectuel doublé d’un social-démocrate.
En pleine expansion, le pentecôtisme est un mouvement religieux paradoxal : l’institution ecclésiale s’y nie comme telle, pour laisser la place à l’individu seul dans sa relation avec Dieu, ce qui permet aux dominés de recouvrer une forme de légitimité sociale.
« Sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents », stipule la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen. Mais qu’est-ce que le talent ? Comment est-il produit et comment l’évaluer, s’il est par définition incommensurable ?
Depuis quand les peintres signent-ils leurs œuvres ? La revendication du nom, la singularité de l’artiste, sa présence matérielle dans le tableau sont inséparablement une marque d’auteur et un signal à destination d’un marché de plus en plus structuré autour des noms propres.
Figure omniprésente dans la sociologie, l’individu a-t-il pour autant été pensé de manière stable et homogène ? L’histoire de l’individu se confond-elle avec celle de l’autonomie et de la modernité ?
C’est en philosophe que Claire Pagès propose une présentation d’ensemble de l’œuvre de Norbert Elias. L’œuvre, majeure pour les sciences sociales, est pourtant résolument et excessivement anti-philosophique.
Dans cet essai d’anthropologie historique, Jérôme Baschet met en évidence les conceptions et représentations que la civilisation occidentale s’est faites de la personne, avant que la modernité n’opère le « grand partage » entre corps et âme.
De Hobbes, on a l’habitude de brosser un tableau sans nuance : son œuvre justifierait l’absolutisme le plus terrible, sa théorie politique serait le comble de l’immoralité. Cette lecture, explique L. Foisneau, est injuste.
La pensée de G. H. Mead a constitué une source d’inspiration majeure pour les sciences humaines et sociales. Mais cet héritage est méconnu et Mead, souvent cité par les spécialistes, est peu connu en France. Cet ouvrage collectif, qui croise plusieurs disciplines, insiste sur les nombreuses dimensions de cet héritage.
La vie seule se répand et devient même un modèle de vie. Telle est la thèse audacieuse du sociologue Eric Klinenberg, qui pose néanmoins un certain nombre de questions cruciales : même revendiquée comme une libération, la solitude peut-elle satisfaire l’individu contemporain ?
Le marché est-il foncièrement inégalitaire, ou peut-il constituer le lieu d’une émancipation pour les individus ? Ce débat ancien, plus que jamais d’actualité, remonte au XVIIIe siècle. Arnault Skornicki et Laurence Fontaine confrontent leurs analyses autour du livre que celle-ci a récemment publié.
Comment des individus parviennent-ils à résoudre leurs conflits d’intérêt ? Quelles solutions émergent dans un cadre coopératif ? Et dans un contexte non-coopératif ? La science économique s’intéresse à ces questions grâce à l’approche dite de la théorie des jeux, dont l’émergence, entre les années 1920 et les années 1950, est retracée par Robert Leonard dans son dernier ouvrage.
Comment peut-on penser les trajectoires individuelles ascendantes ? Comment comprendre le passage d’une classe à une autre ? Chantal Jaquet forge les concepts qui permettent d’étudier autrement la question de la reproduction sociale.
L’anthropologue Albert Piette a pour ambition de mettre en œuvre une science du singulier. Contre toutes les formes de « relationnisme » qui réduisent les hommes à leurs rapports sociaux, il s’intéresse à la présence au monde des individus, en concevant les relations sociales à partir de leurs aptitudes à se relier. Reste à expliquer d’où viennent ces dispositions de chacun à entrer en relation.
Pour John Dewey, le libéralisme a perdu dans le monde contemporain la force de contestation politique qu’il avait à sa naissance. Le reconstruire suppose de changer les conditions sociales de notre action.
Pour André Gorz, la transition écologique n’aura lieu que si les individus acceptent librement de limiter leur consommation. N’est-ce pas surestimer l’autonomie individuelle et la capacité de révolte – et négliger l’importance des institutions dans la lutte contre tout ce qui nous aliène ?
Partant de la notion de résilience sociale, un ouvrage collectif explique comment les individus parviennent à s’adapter aux changements apportés par l’ère néolibérale. Loin d’être un programme homogène, le néolibéralisme apparaît alors comme une doctrine soumise à résistance et à réinterprétation.
Robert Castel, décédé le 12 mars à l’âge de 79 ans, a changé profondément notre compréhension du travail salarié, et avec elle notre perception de l’individu contemporain. La Vie des Idées, à laquelle il était attaché, lui rend hommage.
Sommes-nous en groupe plus à même de prendre des décisions, de juger des conséquences de nos actes, ou de produire des connaissances ? La multitude a-t-elle des vertus que l’individu n’a pas ? C’est collectivement que les auteurs réunis dans ce volume entendent répondre à ces questions, posant les fondements d’une théorie de la sagesse collective.
Dans un ouvrage collectif sur l’investissement de la subjectivité des journalistes dans leur travail, Cyril Lemieux et ses coauteurs développent une approche particulièrement cohérente de leur métier, et des satisfactions et contraintes qu’éprouvent ceux qui les exercent. Erik Neveu s’interroge sur le maintien de frontières au sein de la sociologie française contemporaine.
Comment penser l’individu ? Comment concilier appréhensions objective et subjective de l’individualité humaine ? Comment articuler approche linguistique (la question du « ceci », du « qui », du « je ») et approche réaliste (la relation constitutive de l’individuation) ? Le n° 106 de la revue Philosophie est consacré à ces questions très actuelles.
On oppose souvent le peuple réel et ses représentants, pour dire que ceux-ci trahissent celui-là faute de lui ressembler. Mais c’est ne pas comprendre, selon Didier Mineur, l’histoire de la notion de « représentation », dont l’origine est métaphysique. Compte rendu suivi d’une réponse de Didier Mineur.
Selon l’historienne Déborah Cohen, les élites du XVIIIe siècle auraient caractérisé le peuple par un ensemble de traits « naturels ». Elle confronte ce discours mis en cause au milieu du siècle à la façon dont le peuple se représente lui-même. Le cheminement proposé soulève ce faisant d’intéressantes questions de méthode.
À distance de toute posture apologétique ou dénonciatrice, Catherine Audard se livre à une relecture ambitieuse de la pensée libérale anglo-saxonne, de John Locke à John Rawls. La tension entre un « libéralisme de la liberté » et un « libéralisme du bonheur » est l’un des fils directeurs de cette analyse rafraîchissante.
Retrouvant leur vie de couple et de famille, les vétérans de la Grande Guerre ont dû reconquérir une intimité mise à mal par la mobilisation, la violence et la séparation prolongée. Ce retour à soi et aux autres a été souvent douloureux et parfois impossible, tout particulièrement pour les blessés psychiques pris en charge dès avant la fin de la guerre.
Alain Ehrenberg développe dans La Société du malaise une sociologie des individualismes à partir de l’analyse comparée des significations sociales de l’autonomie aux États-Unis et en France. Si le décentrement est salutaire, le propos semble concevoir l’autonomie indépendamment de ses conditions sociales de possibilité.
Dans cet entretien, le sociologue Bernard Lahire revient sur son parcours intellectuel. Il évoque les différentes étapes d’un travail de relecture des catégories forgées par Pierre Bourdieu et du projet d’élaboration d’une sociologie à l’échelle de l’individu.
François de Singly et Danilo Martuccelli rappellent combien la prise en compte des individus a constitué un défi épineux à l’analyse sociologique. Mais ils montrent surtout que cela n’a pas empêché l’émergence récente d’un sous-champ disciplinaire centré sur cette question, dont ils présentent plusieurs résultats ainsi que les méthodes.
Dans leurs derniers ouvrages, Robert Castel et François Dubet s’interrogent sur la recherche en sociologie et son utilité sociale et politique. Si l’on ne peut imaginer des propositions plus opposées en apparence, Castel valorisant ce qui permet l’intégration sociale et Dubet annonçant la fin de l’intégration sociale, la lecture parallèle de ces deux ouvrages permet de mieux comprendre les transformations actuelles et souhaitables de la société.
Pour que l’embryon soit considéré comme une personne humaine, il faudrait déjà qu’il puisse être un individu à part entière. Or, que l’embryon soit du vivant ne fait pas de lui d’emblée un être vivant. Il est donc possible, pour F. Kaplan, de déterminer en toute certitude jusqu’à quel stade l’embryon n’est pas un être humain.