Sous l’apparence d’une biographie croisée de deux homonymes ayant vécu à la Belle Epoque (Jeanne Weil, épouse Proust − la mère de Marcel Proust − et Jeanne Weill, dite Dick May, écrivaine et créatrice d’établissements pionniers pour la diffusion de la science sociale), cette enquête fondée sur un matériau archivistique réfléchit à ce que « faire œuvre » signifie quand on est une femme. L’ouvrage s’attache aux processus d’effacement et de mémoire pour montrer que, si la place des femmes reste tributaire de logiques patriarcales, loin d’être mécaniques et binaires, les rapports de force ont amené quelqu’un comme Dick May, et dans une moindre mesure Jeanne Proust, à s’adapter aux conditions sociales pour devenir autant que possible actrices de leur destin. Ces rapports de force se tissent en contexte, et c’est en contexte qu’il importe de les étudier, afin de dépasser le simple constat de l’ostracisme ou de l’effacement. L’ouvrage, émaillé de considérations épistémologiques et autobiographiques (pourquoi multiplier les articles au lieu de se composer une œuvre en forts volumes théoriques ? Comment se poser en socialiste quand on reste un·e bourgeois·e ? Que faire de sa judéité ?) conduit à une réflexion plus large sur la croyance : croyance religieuse, adhésion patriotique, culte du travail, foi dans la Littérature − dans lesquels, comme les protagonistes, le chercheur ou la chercheuse est aussi pris, et qui le/la portent à des projections pouvant s’avérer insidieuses... ou fructueuses.
Pour citer cet article :
Sarah Al-Matary, « Deux célèbres inconnues. Le mystère Jeanne Weil(l). Seuil, 2024 »,
La Vie des idées
, 12 décembre 2024.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr./Deux-celebres-inconnues-Le-mystere-Jeanne-Weil-l
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