L’auteur de la Vie de Jésus a fait l’objet d’une remarquable biographie qui replace l’homme dans son siècle, tout en offrant une excellente introduction à cette œuvre monumentale au parfum de scandale.
L’auteur de la Vie de Jésus a fait l’objet d’une remarquable biographie qui replace l’homme dans son siècle, tout en offrant une excellente introduction à cette œuvre monumentale au parfum de scandale.
En 1902, à l’occasion du mémorial Ernest Renan, dix ans après sa mort, Anatole France écrivait : « Renan fut l’un des plus vastes génies de ce temps. Linguiste, épigraphiste, historien, philosophe, il fut la plus grande lumière du XIXe siècle. La probité de son esprit égalait la vigueur de son intelligence. Il servit la science comme elle veut être servie, avec un absolu dévouement. Il consacra sa vie entière à la vérité. [...] Élever un monument à Renan, c’est l’élever à la science et à la sagesse. »
Ce témoignage indique la place qu’occupait Renan dans les dernières années de sa vie, au moment de la République triomphante. Jean-Pierre van Deth vient de nous donner une excellente biographie de l’auteur de la Vie de Jésus. Il retrace avec exactitude la carrière étonnante de ce Breton, né en 1822 dans une famille aux moyens assez modestes. Très brillant élève, il est voué à devenir prêtre, ce qui lui permet de faire des études supérieures. Il va au séminaire à Paris. C’est au séminaire de Saint-Sulpice qu’il connaît à partir de 1842 une grave crise de conscience. Il est atteint par le doute, chez lui la raison commence à s’opposer à la foi. Il découvre en même temps les études bibliques et orientales. Traité avec bienveillance par ses supérieurs, il passe à l’état laïc à la fin de 1845. Il s’ensuit plusieurs années de conditions matérielles difficiles où il obtient les principaux titres universitaires de son temps. Dès 1847, il reçoit un prix de l’Institut de France pour ses travaux sur les langues sémitiques en général et la langue hébraïque en particulier.
Dans la tourmente de 1848, il compose avec fièvre L’avenir de la science dont il ne publie pour le moment que des extraits. Il commence à être une personnalité connue tout aussi bien dans le monde des lettres que celui de la science. En 1849, il est envoyé en mission en Italie examiner les manuscrits anciens des bibliothèques. Il découvre et le monde et la vie mondaine. Il a trouvé sa vocation et son projet intellectuel : comment naissent les religions. Il va consacrer l’essentiel de sa vie aux origines du judaïsme, du christianisme et de l’islam. Il élabore tout un système d’interprétation du monde. Dans les années 1850, il fait partie du milieu des gens de lettres. Il est élu en décembre 1856 à l’académie des Inscriptions et belles-lettres.
En 1860-61, c’est sa fameuse mission archéologique en Phénicie où il fonde l’archéologie du Proche-Orient. C’est à cette occasion qu’il perd sa sœur et collaboratrice Henriette. Depuis longtemps il vise le Collège de France. Il est élu en décembre 1861 et nommé en janvier 1862. Sa leçon inaugurale du 22 février 1862 sera un des grands moments de l’histoire intellectuelle du XIXe siècle. Sa profession de foi « Jésus, un homme incomparable, si grand que bien qu’ici tout doive être jugé au point de vue de la science positive, je ne voudrais pas contredire ceux qui, frappés du caractère exceptionnel de son œuvre, l’appellent Dieu » cause un immense scandale. Le gouvernement suspend son cours puis le démet de sa chaire. L’affaire a un retentissement européen.
En 1863 La vie de Jésus connaît un immense succès de librairie qui lui assure son indépendance matérielle. Les années suivantes, il publie les différents volumes des Origines du christianisme. La IIIe République naissante en pleine guerre le rétablit en décembre 1870 dans sa chaire au Collège de France. Le face à face avec l’Allemagne le conduit à réfléchir à la notion de nation qui aboutira à sa célèbre conférence de 1882, exposé fondamentale de la conception française de la nation. Durant les vingt dernières années de sa vie, tout en continuant son œuvre scientifique, il est considéré comme l’un des penseurs français les plus importants. Il intervient dans de très nombreux domaines. Son prestige est presque aussi grand que celui d’un Victor Hugo. La IIIe république le couvre d’honneurs. Il meurt en 1892 au Collège de France dont il était l’administrateur.
Ce livre très bien fait est avant tout une biographie et non une étude de la pensée de Renan et de sa place dans l’histoire des sciences. Il constitue une bonne introduction à ses œuvres et permet de percevoir les grands débats d’un siècle qui, s’il n’est plus le siècle dernier, reste un moment essentiel de la gestation de notre monde. On peut le lire sans avoir lu Renan auparavant.
par , le 28 novembre 2012
Henry Laurens, « La Vie de Renan », La Vie des idées , 28 novembre 2012. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr./La-Vie-de-Renan
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