Après s’être présenté comme le pivot d’un nouveau « consensus progressiste », le New Labour a perdu le monopole du « changement » sur lequel il fondait sa rhétorique. La crise a d’abord mis au jour les faiblesses du modèle de croissance qu’il a hérité des années Thatcher, fortement marqué par l’importance du secteur financier et le déclin industriel. La gestion de la tourmente financière par Gordon Brown, qui avait fièrement annoncé la fin des cycles de « boom and bust », n’a semble-t-il pas suffi à convaincre les électeurs de la légitimité du New Labour à présider aux destinées de la Grande-Bretagne de l’après-crise. Les réflexions actuelles des travaillistes tentent d’en tirer les leçons en dessinant les contours d’un État stratège et plus actif.
À la veille d’une période d’austérité budgétaire, la question de l’État et de la sphère publique est bien au cœur du débat électoral. La crise de confiance envers le système politique se nourrit de l’usure de ses piliers traditionnels – des affiliations partisanes traditionnelles affaiblies, un parlement qui reflète peu la diversité des opinions, un personnel politique discrédité par la guerre d’Irak et les scandales – mais aussi d’un mode de gouvernement décrit comme autoritaire, bureaucratique et centralisateur par les deux partis d’opposition. Les Conservateurs, qui font campagne sur le thème d’une « société brisée » à reconstruire, tout comme les Libéraux démocrates, qui entendent faire davantage confiance à l’individu et à la société civile, affirment à la fois vouloir revitaliser une vie démocratique épuisée et, ce qui peut sembler paradoxal aujourd’hui, rompre avec un certain étatisme.
Ainsi, alors que les élections du 6 mai pourraient conduire à une transformation profonde de leur système politique, les Britanniques ont aujourd’hui le choix entre trois partis politiques qui, malgré leurs différences, sont tous, d’une certaine façon, les héritiers du New Labour. Tous prétendent occuper le centre de l’échiquier politique en incarnant une forme de « troisième voie ». Tous sont imprégnés, dans leurs discours et leurs programmes, par la synthèse idéologique longtemps personnifiée par Tony Blair, mélange d’acceptation sans réserve du marché et d’une volonté de préserver l’équité en « équipant » les individus afin qu’ils puissent réaliser leurs aspirations personnelles, grâce notamment à la préservation – mais aussi à la transformation profonde – des grands services publics.
Ce sont les diverses facettes de l’héritage de ces treize années de gouvernement que La Vie des Idées a donc choisi d’explorer, en croisant les approches.
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Pour citer cet article :
Antoine Colombani & Nicolas Delalande, « La fin des années Blair-Brown »,
La Vie des idées
, 4 mai 2010.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr./La-fin-des-annees-Blair-Brown-1065
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