L’essai autobiographique militant peut-il renouveler l’analyse de la violence raciale aux États-Unis ? L’écrivain Ta-Nehisi Coates réengage le débat sur le pouvoir dénonciateur de la littérature et l’ampleur du racisme dans la société américaine.
À propos de Ta-Nehisi Coates, Between the World and Me, Spiegel & Grau, / Une colère noire. Lettre à mon fils, Autrement
L’essai autobiographique militant peut-il renouveler l’analyse de la violence raciale aux États-Unis ? L’écrivain Ta-Nehisi Coates réengage le débat sur le pouvoir dénonciateur de la littérature et l’ampleur du racisme dans la société américaine.
En juillet 2015, le journaliste afro-américain Ta-Nehisi Coates a publié un petit livre autobiographique, Between the World and Me, désormais traduit en français [1]. L’ouvrage a propulsé son auteur, déjà remarqué pour ses articles dans The Atlantic, au centre du vif débat sur la persistance du racisme aux États-Unis [2]. À la fois brillant et retentissant, Between the World and Me a été couvert de distinctions [3].
À partir de son expérience vécue, Ta-Nehisi Coates cherche à expliquer ce que signifie être un homme noir aux États-Unis. Livre à thème politiquement engagé, Between the World and Me (en français, Une colère noire) appartient à cette tradition littéraire afro-américaine d’auto-analyse offrant des interprétations subversives du monde social [4]. La publication de l’ouvrage a été avancée pour que l’auteur puisse prendre part aux discussions déclenchées par les soulèvements de Baltimore, la ville natale de Coates, en avril et mai 2015. Le livre est donc paru dans le contexte d’affirmation du mouvement #BlackLivesMatter, cette vaste mobilisation politique contre les violences policières et les inégalités raciales.
L’ouvrage se présente comme le récit d’apprentissage d’un enfant du ghetto s’interrogeant sur la brutalité de la société américaine à son égard et à l’égard des siens. Le cœur de l’ouvrage constitue un témoignage sur l’expérience d’habiter un corps considéré comme noir dans les États-Unis du tournant du XXIe siècle. L’auteur propose ainsi une réflexion polémique sur la nature de l’oppression raciale.
Dans Between the World and Me, Ta-Nehisi Coates s’adresse avec amour et gravité à son fils, Samori Touré Coates, sous la forme d’une longue lettre dévoilant la réalité raciale de l’Amérique [5]. Sur le fond comme sur la forme, le livre s’inspire de la fameuse lettre de James Baldwin à son neveu dans The Fire Next Time (1963). Démêlant les fils de sa « complexion affective », Coates propose une auto-analyse à la qualité ethnographique remarquable [6].
Coates est né en 1975 à Baltimore. Il grandit dans les quartiers pauvres de West Baltimore dans les années 1980 et 1990 – « l’ère du crack » (p. 39) – au moment où chômage, pauvreté, drogue et répression policière finissent de disloquer ces espaces d’exclusion socio-raciale. Coates insiste sur l’omniprésence obsédante de la violence et de la peur au milieu desquelles il a vécu. Les termes « peur » et « apeuré » (fear, afraid) apparaissent 54 fois dans le livre, soit plus d’une page sur trois en moyenne. Dans cet environnement mortifère, chacun – enfants et adultes, femmes et hommes, membres des gangs compris – reproduit la violence sur les autres pour s’en prémunir : à la moindre imprudence commise par leurs enfants, les parents battent ces derniers par peur de les perdre, c’est-à-dire par amour. « Soit c’est moi qui le cogne, soit c’est la police », ne cesse de répéter le père de Coates (p. 16, 82). La peur née de l’insécurité fondamentale de la (sur)vie dans le ghetto – le « côtoiement continu de la mort comme mode de vie » (p. 22) – imprègne l’ensemble des interactions sociales.
Comme la rue, l’école est décrite comme un monde dominé par la violence, aussi bien physique que symbolique : « Si la rue entrava ma jambe droite, l’école entrava ma jambe gauche » (p. 25, 33). Institution disciplinaire destinée à dresser des corps à l’aide d’apprentissages mécaniques, l’école constitue une machine à ressentiment. En dissimulant la réalité de l’oppression des corps noirs sous l’idéologie de la liberté des esprits, l’éducation scolaire se présente dans le livre comme une fausse morale distrayant des vrais enjeux politiques. « L’école ne révèle pas la vérité, elle la dissimule » (p. 27). Témoignant de la puissance de cette trahison originelle, Coates va jusqu’à se demander si les écoles ne devraient pas toutes être brûlées pour en révéler le mensonge.
Incapable de s’adapter à la violence du ghetto, Coates trouve dans la fuite un moyen de protection. L’auteur explique comment il a eu la chance de pouvoir trouver dans les livres de la bibliothèque familiale le moyen de comprendre les mécanismes de la domination raciale. En autodidacte, prenant exemple sur son père, W. Paul Coates, bibliothécaire à l’université noire Howard de Washington, fondateur des Black Classic Press et figure locale du Black Panther Party, le jeune Ta-Nehisi dévore les livres. Il s’identifie à Malcolm X et à sa renaissance politique et spirituelle par la culture. L’université Howard où il entre comme étudiant d’histoire en 1993 devient sa « Mecque » (p. 39). Sur ce campus prestigieux à la longue tradition de luttes politiques, Coates relate dans de magnifiques passages sa découverte de la beauté des corps noirs issus de toute la diaspora africaine et le puissant vertige né de l’éveil intellectuel.
Avant de terminer ses études, Coates devient journaliste à New York, un univers neuf pour un jeune homme ayant jusque-là vécu dans un monde exclusivement noir. Dans la ville, il découvre la mixité ethnique et les mélanges qu’elle rend possibles. Ses voyages à Paris avec sa femme achèvent de bouleverser sa vision du monde : comme James Baldwin avant lui, il y est considéré comme Américain plutôt que noir. Coates y découvre de nouvelles façons d’être, en partie libres du poids de la race – une expérience libératrice pourtant difficile à saisir au premier abord, à travers des « yeux aveuglés par la peur » (p. 126). À jamais « blessé » (p. 125), Coates se présente comme déplacé, désajusté dans son milieu social d’origine comme dans son milieu social d’arrivée.
Between the World and Me cherche à comprendre ce que signifie habiter un corps noir aux États-Unis. Le corps constitue le sujet central de l’ouvrage, à tel point que les termes body et bodies y apparaissent 87 fois, soit plus d’une fois toutes les deux pages, et pas moins de quatre fois sur la première. Le message de l’auteur à son fils se résume d’une phrase : « Voilà ce que j’aimerais que tu saches : en Amérique, c’est une tradition de détruire le corps noir – c’est un héritage » (p. 103).
La description de la violence et de la peur rongeant le ghetto débouche sur une analyse de la vulnérabilité du corps noir – une perspective s’opposant aux stéréotypes les plus éculés sur sa puissance censément « naturelle » [7]. Même lorsqu’on mesure comme Coates 1 m 95, être porteur d’un corps noir dans le ghetto de Baltimore représente, selon lui, une « infirmité face aux forces criminelles du monde » (p. 18), un dénuement face à la violence des poings, des armes, du crack, du viol, des maladies. Loin d’être une anomalie sociale, cette nudité est « le résultat exact et attendu d’une politique, la condition prévisible de gens forcés de vivre pendant des siècles sous la peur » (p. 17) Coates fait de cette « politique » un « pillage » (plunder) séculaire du corps noir considéré comme ressource naturelle, matière première disponible d’où extraire travail et richesse. Faute d’une analyse précise des mécanismes de la reproduction historique de l’oppression raciale, cette thèse audacieuse demeure pourtant dans le livre à la fois atemporelle et impersonnelle [8].
À partir de la vulnérabilité du corps, Coates analyse finement les processus d’incorporation des dispositions liées à la vie dans le ghetto (signes du corps, inflexions de la voix, estimation du danger, etc.). « Cette nécessité d’être toujours sur ses gardes représentait une dépense d’énergie démesurée, la lente déperdition de l’être. Elle contribuait au rapide écroulement de nos corps » (p. 90). Un ensemble d’affections corporelles négatives que Coates appelle disembodiment, la décomposition inexorable des vies noires dans le ghetto, visible dans des corps étrangers à l’être qu’ils abritent, des corps pouvant paraître démembrés, désincarnés (p. 114).
En contrepoint, l’invulnérabilité des corps blancs sauterait aux yeux. D’après Coates, être porteur d’un corps considéré comme blanc fonctionne comme l’assurance de gouverner le monde plutôt que d’être gouverné par lui. En s’installant à New York, l’auteur découvre ces jeunes parents « caucasiens » se promenant nonchalamment dans les quartiers de Harlem en cours de gentrification : « Je les voyais absorbés dans leur conversation, la mère et le père, alors que leurs fils prenaient commande de trottoirs entiers perchés sur leur tricycle. L’univers leur appartenait, et alors que c’est la terreur qui était transmise à nos enfants, je vis la suprématie transmise aux leurs » (p. 89).
Pour l’auteur, combattre l’oppression raciale c’est d’abord défendre son corps. C’est préférer la riposte de Malcolm X au pardon de Martin Luther King (p. 30-32, 35-37, 95, 131). Coates propose ainsi une morale qu’on pourrait appeler corporelle, réaliste parce que foncièrement matérialiste. « Tu ne peux oublier », dit-il à son fils, « tout ce qu’ils ont tiré de nous et comment ils ont transfiguré nos corps mêmes en sucre, en tabac, en coton et en or » (p. 71). L’abstraction – « relations raciales », « justice raciale », « privilège blanc », « suprématie blanche » – estompe le fait premier selon lequel le racisme « déloge les cerveaux, bloque les voies respiratoires, déchire les muscles, arrache les organes, fend les crânes, casse les dents » (p. 10). En tant que tel, le racisme doit être analysé comme une « expérience viscérale » (p. 10) [9].
Coates consacre la fin de son ouvrage à la mort de son ami d’université, Prince Jones, tué par un officier de police (noir) qui l’avait pris pour un trafiquant de drogue [10]. Le souvenir obsédant de la mort de Prince Jones donne sens au titre de l’ouvrage. Poème de Richard Wright, « Between the World and Me » (1935) relate la découverte par le narrateur des restes d’un lynchage. Les images effroyables de la scène l’assaillent et le hantent à tel point qu’elles viennent, dit-il, se placer « entre le monde et moi » jusqu’à ce qu’il devienne lui-même la victime du drame. Dans l’ouvrage de Coates, l’interminable douleur engendrée par cette perte achève le processus d’apprentissage, transformant la peur en rage, en même temps qu’elle ancre l’esthétique, l’épistémologie et la politique du livre.
À travers l’histoire de Prince Jones et de sa mère, Mable Jones, Coates montre en quoi les Noirs des classes moyennes et supérieures sont eux aussi victimes du racisme. La classe ne protège en rien des stigmates associés à la race. Fille de petits métayers pauvres du Mississippi, Mable Jones, réussit à s’élever socialement jusqu’à devenir radiologue et s’installer dans la banlieue aisée de Washington. Elle éduque son fils dans la même perspective de réussite sociale. « Ces étudiants de Howard n’étaient pas comme moi », explique Coates. « Ils étaient les enfants d’une élite à la Jackie Robinson, dont les parents s’étaient extirpés des ghettos et des champs, s’étaient installés en banlieue, pour y trouver finalement qu’ils portaient la marque avec eux et ne pouvaient s’échapper » (p. 141) [11].
Pour Coates, Prince Jones fut l’une des innombrables victimes du « Rêve ». Ce terme est toujours écrit avec une majuscule pour signifier son absolutisation et toujours privé de l’adjectif attendu « américain » pour renvoyer à la seule population blanche. Le Rêve représente l’idéal d’une opulence heureuse sur fond d’hypocrisie criminelle : une structure sociale dans laquelle, depuis la création du pays il y a deux siècles et demi, le bonheur blanc est érigé sur l’exclusion, l’exploitation et l’humiliation des corps noirs. Bien que suggestif, le concept de « Rêve » est imprécis car trop peu défini. Par ailleurs, en taisant le fait pourtant massif qu’environ 20 millions de personnes considérées comme blanches vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, Coates élimine la classe comme vecteur de compréhension des inégalités sociales au profit de la seule race.
Il est tout aussi vain, affirme ainsi l’auteur, de travailler à la conversion des Rêveurs qu’à soupeser la sincérité de leurs intentions puisqu’ils prolongent à leur insu un ordre social institué (p. 78, 97-98, 103, 108-109). Aucun Rêveur par exemple n’affirme ouvertement que l’État favorise activement l’échec scolaire et la mise à mort des jeunes des quartiers populaires noirs ; tous en revanche parlent de la « responsabilité individuelle » des Afro-Américains dans leurs taux de déscolarisation et d’homicides (p. 33, 110-111). En utilisant ce vocabulaire, les Rêveurs justifient la violence sociale. Comme « un sédatif qui protège le Rêve » (p. 33), le recours à des explications individualistes permet d’éluder la sédimentation historique de l’injustice.
Explicitement dans ses articles, Coates plaide implicitement dans le livre en faveur d’une analyse structurale des phénomènes de domination et de reproduction sociales. Aux États-Unis en particulier, où les analyses individualistes et psychologiques de la violence raciale prévalent dans les champs politique, médiatique et scientifique, Between the World and Me est original et polémique [12].
Le récit refuse toute rhétorique eschatologique sur l’espoir en l’avenir [13]. En conséquence, les critiques les plus communément adressées au livre lui reprochent de ne pas reconnaître la réalité des progrès passés ni la possibilité de progrès futurs, voire de dénigrer l’utilité de l’engagement militant. Sans remettre en question ses constats, les critiques du livre y voient donc parfois une œuvre désespérante (voir la rubrique « Pour aller plus loin »). Comme un long morceau de blues, l’ouvrage se teinte en effet d’une tonalité mélancolique parfois lugubre. Dans son paragraphe final par exemple, l’auteur, qui traverse le paysage grisâtre du ghetto toujours et partout identique, conclut par ces mots : « À travers le pare-brise, je voyais la pluie tomber à verse » (p. 152). Dans une communauté pour laquelle l’Église a joué un rôle central dans les luttes politiques, l’athéisme revendiqué de Coates peut en partie expliquer ces réactions critiques. Foncièrement réaliste, sa morale politique est presque négative : la lutte comme recours ultime et indispensable pour donner sens et dignité à une vie sans dieu (p. 12, 28, 79, 97).
Finalement, la dimension critique du livre de Ta-Nehisi Coates démontre le pouvoir politique de la littérature et sa proximité avec le projet des sciences sociales : cartographier le système des forces (de race, de classe, de sexe, de genre, etc.) qui s’imposent à l’individu pour en comprendre les causes. Que la condition de certains membres de la communauté afro-américaine ait changé – parfois de façon remarquable, comme pour Coates lui-même – ne dit rien de la reproduction de la domination raciale (p. 105). L’auteur montre que certains éléments de la vie des Afro-Américains sont aujourd’hui semblables ou pires qu’il y a cinquante ans : la violence policière, les taux de chômage et d’incarcération, la pauvreté des quartiers populaires, les écarts de richesse avec le reste de la population, l’abandon des services de l’État, etc. Coates est ici proche de Pierre Bourdieu : la translation du « système des races », c’est-à-dire la préservation des rapports inégaux et hiérarchiques entre groupes racialisés, perpétue une « misère de condition » pour les classes populaires et une « misère de position » pour les classes moyennes afro-américaines [14].
Bien qu’autobiographique, Between the World and Me n’est pas un simple témoignage personnel. Sa perspective matérialiste invite à renouveler l’étude des processus de reproduction de la violence raciale, comme y a récemment participé l’ouvrage engagé et influent de Michelle Alexander, The New Jim Crow, sur « l’incarcération de masse » des minorités aux États-Unis [15]. En appelant à une analyse « viscérale » des mécanismes sociaux et des dispositions individuelles permettant la persistance de longue durée des phénomènes de domination raciale, l’ouvrage fait de la connaissance des déterminismes pesant sur les corps la condition politique des luttes de libération individuelle et collective.
par , le 3 février 2016
Un extrait adapté du livre est disponible en ligne.
On peut écouter Coates discuter de son livre en français dans Les Matins de France-Culture (27 janvier 2016), en anglais dans ll’émission Fesh Air (13 juillet 2015) ; dans le Diane Rehm Show (8 octobre 2015) ; à la Central Library de Los Angeles avec l’historien Robin D. G. Kelley (26 octobre 2015) ; lors de la remise du National Book Award (19 novembre 2015).
Sur sa vie, voir Ta-Nehisi Coates, The Beautiful Struggle, New York, Spiegel & Grau, 2008.
Pour des compte rendus critiques de l’ouvrage, voir notamment Michiko Kakutani, « In “Between the World and Me,” Ta-Nehisi Coates Delivers a Searing Dispatch to His Son », New York Times, 9 juillet 2015 ; Cornel West, « In Defense of James Baldwin », Facebook, 16 juillet 2015 ; Melvin L. Rogers, “Between Pain and Despair : What Ta-Nehisi Coates Is Missing”, Dissent Magazine, 31 juillet 2015, ; Michelle Alexander, « Ta-Nehisi Coates’s “Between the World and Me” », New York Times, 17 août 2015 ; Cornel West et George Yancy, « Cornel West : The Fire of a New Generation », New York Times, 19 août 2015 ; Jesse McCarthy, « Why Does Ta-Nehisi Coates Say Less Than He Knows ? », The Nation, 15 novembre 2015 ; Randall Kennedy, « A Caricature of Black Reality », The American Prospect, 19 novembre 2015.
Nicolas Martin-Breteau, « Le racisme comme expérience viscérale », La Vie des idées , 3 février 2016. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr./Le-racisme-comme-experience-viscerale
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[1] Les citations de cet article ont été traduites de l’édition américaine.
[2] Voir notamment Ta-Nehisi Coates, « The Case for Reparations », The Atlantic, juin 2014.
[3] Publiquement soutenu par Toni Morrison qui en a rédigé la quatrième de couverture, l’ouvrage a notamment été lauréat du National Book Award. Il demeure à ce jour un New York Times best-seller et possède une page wikipédia fournie. En 2015, Coates est devenu Fellow de la prestigieuse MacArthur Foundation.
[4] Voir par exemple, les récits autobiographiques d’esclaves et d’affranchis dont ceux de Frederick Douglass (années 1840-1880) ; The Souls of Black Folk de W. E. B. Du Bois (1903) ; Black Boy de Richard Wright (1945) ; Invisible Man de Ralph Ellison (1952) ; The Autobiography of Malcolm X (1964) ; les essais de James Baldwin (années 1940-1980) ; Brothers and Keepers de John Edgar Wideman (1984) ; etc.
[5] Le prénom du fils de Ta-Nehisi Coates, Samori Touré, est un hommage au résistant africain à la colonisation française de l’Afrique de l’ouest au XIXe siècle (voir p. 68). Ta-Nehisi est un nom égyptien désignant la Nubie, cette région au sud de l’Égypte considérée par l’afrocentrisme comme le berceau de la civilisation « noire » (Ta-Nehisi Coates, « The Gathering of My Name », The Atlantic, 11 décembre 2009).
[6] Le concept de « complexion affective » est emprunté à Chantal Jaquet, Les Transclasses, ou la non-reproduction, Paris, Puf, 2014. Ce concept est ici d’autant plus intéressant que Coates est lui-même un transclasse. Voir mon compte rendu sur La Vie des idées, 26 décembre 2014.
[7] Voir par exemple la déposition de l’agent de police Darren Wilson décrivant Michael Brown lors de l’altercation qui mena à la mort de celui-ci à Ferguson le 9 août 2014 : « The terrifying racial stereotypes laced through Darren Wilson’s testimony », vox.com, 25 novembre 2014.
[8] Ce point est néanmoins argumenté dans Ta-Nehisi Coates, « The Case for Reparations », art. cit.
[9] Coates a reconnu l’influence sur son propos du matérialisme des analyses aujourd’hui classiques de l’historienne Barbara Fields. Ce type d’analyse tente de renouveler l’étude des questions de race. Voir par exemple ma recension de Walter Johnson, River of Dark Dreams : Slavery and Empire in the Cotton Kingdom (2013), Transatlantica, 1, 2015.
[10] Sur la mort de Prince Jones, voir Ta-Nehisi Coates, « Black and Blue », Washington Monthly, juin 2001.
[11] En 1947, Jackie Robinson fut le premier joueur afro-américain à intégrer la National Baseball League. En tant que tel il dut se résoudre à subir – toujours avec le même calme et la même dignité – d’innombrables humiliations et menaces racistes sur le terrain et en dehors.
[12] Voir Eduardo Bonilla-Silva, « More than Prejudice : Restatement, Reflections, and New Directions in Critical Race Theory », Sociology of Race and Ethnicity, vol. 1, n° 1, 2015, p. 75-89.
[13] Dans ses articles, Coates a souvent reproché à Barack Obama ce type de rhétorique. Voir par exemple, « On the Death of Dreams », The Atlantic, 29 août 2013.
[14] Sur ces points, de Pierre Bourdieu voir, « Classement, déclassement, reclassement », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 24, n° 1, 1978, p. 2-22 ; en coll., La Misère du monde, Paris, Seuil, 1993, p. 11 ; La Domination masculine, Paris, Éditions de Minuit, 1998, p. 122-132, 140-147. Voir aussi « Harvard Professor Jailed ; Officer Is Accused of Bias », New York Times, 20 juillet 2009.
[15] Michelle Alexander, The New Jim Crow Mass Incarceration in the Age of Colorblindness, New York, The Free Press, 2010. Sur ce thème, voir par exemple, Heather Ann Thompson, « Why Mass Incarceration Matters : Rethinking Crisis, Decline, and Transformation in Postwar American History », Journal of American History, vol. 97, n° 3, 2010, p. 703-734, ainsi que le numéro spécial du Journal of American History en accès libre, « Historians and the Carceral State » (juin 2015).