Au début de la période de confinement, parmi les salarié.es encore en activité, quatre sur dix ont participé à une discussion sur le caractère essentiel de son activité pour le pays pendant l’épidémie, et même cinq sur dix parmi les salarié.es qui travaillaient en présentiel, selon l’enquête « Le travail sous épidémie » menée en avril par l’Ugict-CGT auprès de 30 000 salariés. Au total 43 % des salarié.es, qu’ils en aient débattu ou non, jugent leur activité essentielle. Les autres apparaissent beaucoup plus soumis au risque de contagion du fait d’un manque flagrant de protections ; ceci interroge fortement sur les conditions de sécurité de la reprise du travail dans les secteurs non essentiels lors du déconfinement actuel. Ces interrogations sur l’utilité sociale du travail et les arbitrages entre le travail et la vie peuvent-elles préfigurer un vaste débat social sur la reconversion du système productif ?
La reconversion écologique du système productif ne peut plus être différée. Pour avoir la moindre chance de limiter le réchauffement à 2°C en 2100, il faut engager sans délais un processus de planification écologique afin d’organiser la décroissance des activités polluantes et la croissance des activités essentielles à la vie. Cela sera impossible sans un très vaste débat démocratique impliquant toutes les sphères de la société : entrepreneurs, salarié.es, associations, scientifiques, pouvoirs publics, etc. Bruno Latour a proposé un questionnaire qui permet d’engager ce débat : quelles sont les activités que nous ne voulons pas voire repartir après l’épidémie, et pourquoi ? Quelles sont celles que nous aimerions transformer ? Et celles que nous voudrions développer, ou inventer ? Comment assurer l’acceptabilité sociale de ces transformations, en fournissant garantie de revenu, formation et nouveaux emplois aux salarié.es impacté.es ?
De manière à ce jour peu commentée, le début de la crise sanitaire a fourni l’occasion de quelque chose qui ressemble à une répétition générale spontanée et improvisée de ce grand débat. Bien sûr, l’utilité sociale du travail ne saurait se réduire à son caractère essentiel à court terme : le bâtiment, la recherche ou la création artistique peuvent s’interrompre quelques semaines sans dommage vital, alors que leur utilité sociale est certaine, du moins pour une large part de ces activités.
Néanmoins un questionnement sur l’utilité des activités, sans précédent à cette échelle, a émergé lors de cette pandémie. Du jour au lendemain, des millions de salarié.es ont été interdits de se rendre à leur travail, dans l’éducation, la restauration, la culture ou le tourisme. Des millions d’autres ont été placés en chômage partiel pour raisons économiques, ou assignés au télétravail. Mais environ 6 millions de salarié.es ont dû continuer à aller travailler sur leur site habituel ou leur chantier, au risque de contracter le virus dans les transports ou au travail, alors même que leur activité ne leur semblait pas forcément indispensable, du moins à court terme.
La presse a relayé les interrogations, voire les révoltes que cette situation a suscitées. La question de caractère essentiel ou non de l’activité sous l’épidémie a été au centre des discussions. Des centrales syndicales ont demandé que soit établie une liste des activités essentielles, pour autoriser les autres à recourir au chômage partiel afin de limiter la circulation du virus chez les travailleurs. Une pétition largement signée a soutenu cette demande, que les pouvoirs publics n’ont pas prise en compte, donnant la priorité au maintien de l’activité économique et taxant de « déserteurs » les petits patrons du BTP qui souhaitaient verser leurs salariés au chômage partiel pour les protéger.
Entre les professionnels de santé, qui n’ont guère de doute sur le caractère vital de leur activité, et les manutentionnaires d’Amazon à Montélimar qui ont refusé de risquer leur vie pour expédier des DVD ou des sex-toys, l’éventail des situations est large. L’enquête CGT-Ugict [1] montre que ce débat a touché une proportion très importante des salarié.es encore en activité : à la question « certain.es salarié.es ont cessé le travail jugeant leur activité non essentielle pour le pays durant cette période de crise sanitaire ; avez-vous participé à des discussions à propos du caractère essentiel ou non de votre propre activité ? », 38 % des salarié.es en activité ont répondu « oui » (tableau 1).
Un travailleur en présentiel sur deux a discuté du carac
tère essentiel de son travail
Les salarié.es qui travaillent en présentiel sont plus nombreux (51 %) à avoir eu ces discussions que les télétravailleurs (30 %) ; de ce fait, les cadres ont moins souvent connu de telles discussions que les employés ou les ouvriers (tableau 1).
Tableau 1 : Plus de discussions sur l’utilité du travail pour les employés et ouvriers
Champ : salarié.es travaillant en présentiel ou en télétravail
Ces discussions se sont déroulées aussi bien avec les proches (pour 22 % des salarié.es encore actifs), les collègues (23 %) ou les supérieurs (23 %) (tableau 2). La fréquence des discussions sur le caractère essentiel de l’activité avec des élus du personnel est nettement plus faible (6 %), même pour les salarié.es syndiqués (12 %). Ceux-ci ont dans l’ensemble été plus nombreux (57 % pour les représentants du personnel et 45 % pour les syndiqués) à participer à de telles discussions que l’ensemble des salarié.es (38 %) : on peut faire l’hypothèse que le souci du bien commun, qui inspire souvent l’action syndicale, tend aussi à favoriser les interrogations sur le caractère essentiel ou non de l’activité pendant l’épidémie.
Tableau 2 : Les syndiqués ont plus souvent discuté de l’utilité de leur activité
Champ : salarié.es travaillant en présentiel ou en télétravail
Les femmes jugent plus souvent que leur activité est essentielle au pays
Les salariés qui ont eu des discussions sur le caractère indispensable de leur activité sont-ils arrivés à une conclusion positive ? Dans l’ensemble, 43 % des salarié.es jugent que « toute leur activité » ou « une part importante de leur activité » est « essentielle pour le pays en période de crise sanitaire » (tableau 3). 45% jugent qu’une part faible ou nulle de leur activité est essentielle, et 12% ne savent pas répondre.
Les cadres pensent moins souvent leur activité essentielle (35 %) que les catégories dites "d’exécution" (ouvriers et employés, 50 %) : on a évoqué la revanche symbolique des « premiers de corvée » sur les « premiers de cordée » [2]. De façon attendue, les salarié.es exerçant des fonctions de soin, de services aux personnes, de nettoyage et d’enseignement sont plus souvent convaincus du caractère indispensable de leur activité en période d’épidémie (graphique 1), bien plus que ceux qui exercent dans le secrétariat, la gestion ou la recherche.
Les femmes sont plus nombreuses (47 %) à penser leur activité essentielle que les hommes (39 %) : c’est parce qu’elles prédominent dans les fonctions de soin, de services aux personnes, de nettoyage et d’enseignement. À fonction identique, leur opinion sur le caractère indispensable de leur travail ne se distingue pas de celle des hommes [3].
Tableau 3 : Les employés et ouvriers jugent plus souvent leur activité essentielle
Champ : salarié.es travaillant en présentiel ou en télétravail
Graphique 1 : Les fonctions de soin, d’enseignement et de nettoyage sont plus souvent jugées essentielles par les travailleurs
Plus de discussions quand les salariés trouvent leur activité non essentielle
Les discussions ont été plus fréquentes pour les salarié.es exerçant des fonctions de transport ou logistique, de services, de production et de maintenance ; en revanche, elles ont été plus rares dans des fonctions comme le soin, le secrétariat, la gestion, l’enseignement ou la recherche (graphique 2).
Globalement les salariés qui en ont discuté avec d’autres ont un peu plus souvent conclu que leur activité était essentielle (47 %), et moins souvent répondu « je ne sais pas » (4%). Mais ce lien n’est aucunement univoque : dans certaines fonctions (soin, enseignement), on observe à la fois peu de discussions et un sentiment très répandu d’utilité (graphique 2). Pour d’autres, qui s’exercent dans des bureaux (secrétariat, gestion, recherche) c’est l’inverse : les discussions sont rares et (parce que ?) le travail est majoritairement jugé non essentiel.
Les salarié.es exerçant des fonctions de production ou de réparation ont beaucoup discuté du caractère essentiel de leur travail ; ils (ce sont majoritairement des hommes) sont souvent arrivés à une conclusion négative, même s’ils ont dû continuer à travailler, le plus souvent en présentiel. Les pressions des pouvoirs publics à la poursuite de l’activité, notamment dans l’industrie et le BTP, ne sont sans doute pas étrangères à cette situation.
De fait, si l’on considère maintenant les résultats par secteurs d’activité [4], c’est dans l’industrie chimique ou métallurgique, la construction, le livre-papier-communication, mais aussi la banque et assurance, que les discussions ont été les plus fréquentes sur le caractère essentiel ou non du travail pendant l’épidémie, l’opinion des salarié.es apparaissant alors plutôt négative à cet égard (graphique 2). Les secteurs de la santé et de l’action sociale, les cheminots, les organismes sociaux, les Postes et Télécoms ont un niveau moyen de discussion (40 à 50 %) et une opinion clairement positive (et attendue) : plus de la moitié, et jusqu’à 80 % dans le secteur santé-action sociale, des salarié.es jugent leur activité essentielle. Les secteurs Ministère des Finances, Éducation-recherche-culture ou Mines-Énergie discutent relativement peu du caractère essentiel de l’activité, néanmoins jugé positivement dans environ 40 % des cas.
Graphique 2 : Les salariés de production-fabrication-chantier ont beaucoup discuté mais plus rarement jugé leur activité essentielle
Champ : salarié.es travaillant en présentiel ou en télétravail
Graphique 3 : Industries et secteur bancaire : beaucoup de discussion, peu d’utilité perçue
Champ : salarié.es travaillant en présentiel ou en télétravail
Des mesures de prévention lacunaires, surtout dans les activités non essentielles
Parmi les salarié.es qui continuaient à se rendre à leur travail fin avril (tableau 4), 19 % seulement indiquent disposer de masques et de gants en quantité suffisante, mais 39 % de ceux qui jugent leur activité essentielle. Cela veut cependant dire que 6 1% de ces salarié.es aux activités essentielles ne disposent pas de masques et gants en quantité suffisante ; de même 46% n’ont pas de moyens suffisants de se laver les mains sur leur lieu de travail. Quand l’activité n’est pas jugée essentielle, les protections sont très peu répandues : moins de 20 % des salariés disposent de masque et de gants, peuvent se laver les mains régulièrement ou respecter les distances de sécurité.
La situation sanitaire apparaît donc préoccupante : étant donné la pénurie globale de ces équipements, ils sont en nombre très insuffisant pour les travailleurs. On peut s’inquiéter du déconfinement dans les activités non essentielles : une telle pénurie d’équipement de protection a-t-elle été réellement surmontée ? Et plus encore, au-delà des mesures générales d’hygiène, les conditions du travail réel, porteuses de risques spécifiques à chaque métier, ont-elles pu être rediscutées avec les représentants du personnel, les médecins du travail, les préventeurs, pour prévenir les risques de contagion ? Rien n’est moins sûr.
Tableau 4 : Très peu de mesures de prévention dans les activités non essentielles
Champ : salarié.es travaillant en présentiel
Le jugement global des salarié.es sur la qualité des mesures de prévention est nuancé (tableau 5) : pour ceux qui se rendent sur leur lieu de travail, les protections ne sont jugées « tout à fait suffisantes » que dans 18 % des cas, mais « en partie suffisantes » pour 45 %. Un gros tiers (35 %) des salarié.es les jugent « pas vraiment » ou « pas du tout » satisfaisantes (tableau 5). Plus inquiétant encore, les ouvriers et les employés, qui sont les plus exposés, sont aussi ceux qui jugent le plus souvent les protections insatisfaisantes (39 %).
Tableau 5 : Ouvriers et employés sont les plus critiques sur la qualité de la prévention
Champ : salarié.es travaillant en présentiel
Les représentants du personnel ou les syndiqués n’ont pas une vision différente des salarié.es non syndiqués en ce qui concerne la qualité des mesures de prévention mises en place par les directions d’entreprise : dans ces trois catégories, plus d’un salarié sur trois juge les mesures insuffisantes (tableau 6).
Tableau 6 : Syndiqués ou non, le même jugement critique sur la qualité de la prévention
Champ : salarié.es travaillant en présentiel
En cohérence avec la disponibilité des équipements, la qualité des mesures de prévention apparaît d’autant moins satisfaisante que les activités sont jugées moins essentielles : ainsi, les mesures sont jugées « totalement » ou « en partie » suffisantes » par 67 % des salarié.es qui pensent que toute leur activité est essentielle, contre 49 % de ceux pour qui leur activité n’a rien d’essentiel (tableau 7).
Tableau 7 : Des mesures de prévention plus satisfaisantes dans les activités jugées essentielles
Champ : salarié.es travaillant en présentiel
Travailler « la boule au ventre » : plus souvent dans les activités non essentielles, surtout quand on en a discuté
Parmi les salariés qui travaillent en présentiel, 48 % indiquent « partir à leur travail “la boule au ventre” par crainte de contracter ou de transmettre le Covid 19 » ; on sait que le sentiment d’insécurité pèse fortement sur la santé mentale [5], et l’ampleur de ce sentiment ne peut que préoccuper quant à ses conséquences sanitaires.
Ce sentiment est bien sûr fortement lié à l’appréciation qu’ont les salariés de la qualité des mesures de prévention : il s’élève à 68 % de ceux qui trouvent ces mesures insuffisantes, contre 36 % de ceux qui les estiment totalement ou en partie suffisantes. Mais pour les salariés qui jugent leurs protections insuffisantes, la « boule au ventre » est encore plus fréquente quand ils jugent leur activité non essentielle, et quand ils ont eu des discussions sur ce thème (graphique 4). Ainsi la pire situation (75 % de « boule au ventre ») est celle des salariés qui estiment la prévention insuffisante et qui ont conclu que leur activité n’est pas essentielle à la suite de discussions. Ceux qui estiment la prévention insuffisante et l’activité non essentielle mais sans en avoir discuté, sont moins inquiets. Tout se passe comme si, dans les activités non essentielles où la prévention est insuffisante, la discussion renforçait le sentiment de prendre des risques inutiles et donc de partir travailler avec la « boule au ventre ».
Graphique 4 : Plus souvent la « boule au ventre » quand la prévention est jugée mauvaise et l’activité non essentielle
Champ : salarié.es travaillant en présentiel
Le point de vue des « experts » : encadrants et élus du personnel
Dans les cas où des salarié.es continuent à travailler en présentiel dans l’établissement du répondant, et où celui-ci est un « expert » – salarié encadrant, ou bien représentants du personnel –, des questions lui sont posées concernant non plus sa situation personnelle mais celle de l’établissement dans son ensemble. 51% de ces « experts » estiment que les activités menées par les salarié.es en présentiel sont « indispensables au pays en période d’épidémie » (tableau 8). Autrement dit, dans la moitié des cas, l’activité en présentiel aurait pu être suspendue et les risques de contamination limités sans que cela ne porte préjudice à la continuité de la vie sous épidémie.
Ce jugement semble peu marqué par des partis-pris idéologiques, puisqu’il diffère peu entre les représentants du personnel (44 % jugent essentielle l’activité des salarié.es en présentiel), les encadrants syndiqués (53 %) ou non syndiqués (52 %).
Tableau 8 : Les représentants du personnel plus réservés sur le caractère essentiel de l’activité des salariés en présentiel
Champ : salarié.es « experts » dans des établissements où existe un travail en présentiel
Le risque de contamination des salarié.es ou de la population est jugé présent par 60 % des « experts » interrogés ; cette fois, les représentants du personnel sont nettement plus pessimistes (74 %) que les encadrants non syndiqués (57 %) (tableau 9).
Tableau 9 : Les représentants du personnel plus inquiets du risque de contamination
Champ : salarié.es « experts » dans des établissements où existe un travail en présentiel
Selon les « experts », les activités jugées non essentielles sont également celles où le risque de contamination est le plus important : 72 %, contre 55 % dans les activités essentielles (tableau 10). Cela incite à nouveau à la prudence lors du déconfinement, où les activités non essentielles vont reprendre progressivement.
Tableau 10 : Un risque de contamination jugé plus important quand l’activité en présentiel est considérée peu essentielle
Champ : salarié.es « experts » dans des établissements où existe un travail en présentiel
Ceci s’explique notamment par le fait que les mesures de sécurité sont jugées plus satisfaisantes quand l’activité est « indispensable au pays pendant l’épidémie » que dans le cas contraire (tableau 11) : ainsi, 48 % des « experts » jugeant l’activité essentielle estiment que dans leur établissement, les salarié.es en présentiel disposent de masques et de gants en quantité suffisante, contre 33 % de ceux qui ne jugent pas l’activité essentielle.
Tableau 11 : Des mesures de sécurité moins satisfaisantes pour les salarié.es en présentiel dont l’activité n’est pas jugée essentielle
Champ : salarié.es « experts » dans des établissements où existe un travail en présentiel
Conclusion
Cette étude livre deux enseignements importants. En premier lieu, fin avril, les moyens de protection dont disposent les salariés contre l’épidémie étaient très insuffisants, et en particulier dans les activités jugées non essentielles, qui emploient 57 % des salariés. Or ce sont ces activités qui sont progressivement mais rapidement en voie de déconfinement, ce qui ne peut que nourrir une vive inquiétude sur un possible rebond de l’épidémie, sans parler des conséquences encore invisibles de l’anxiété sur la santé mentale des salarié.es concerné.es. D’autant plus que les mesures générales de santé publique (masques, gants, gel…) sont souvent très insuffisantes car trop générales et non adaptées aux spécificités du travail réel des salarié.es, qui demanderait dans beaucoup de cas à être réorganisé au cas par cas (procédures de désinfection régulière des outils et équipements, adaptation des espaces de travail et de transport, etc.) [6].
En second lieu, un débat d’une ampleur inédite, mais largement invisible, a eu lieu entre les salariés et avec leurs proches à propos du caractère essentiel du travail. Ce débat a été particulièrement important dans l’industrie, le BTP et la banque-assurance, où les salariés ont souvent conclu que leur activité n’était pas indispensable. En Italie et en Espagne, les pouvoirs publics ont élaboré des listes de secteurs essentiels, en concertation avec les syndicats et le patronat, pour limiter la circulation du virus. Mais en France, le débat sur les activités essentielles a été confiné à la base : malgré les demandes insistantes de plusieurs centrales syndicales, le gouvernement n’a pas voulu ouvrir de négociation sur ce point. Les salarié.es en ont été réduit.es à discuter de cela dans la sphère privée, sans pouvoir construire et défendre un point de vue collectif.
On peut voir dans ce blocage la crainte d’ouvrir une boîte de Pandore : à partir du moment où l’on admet la légitimité des salarié.es, et plus généralement des citoyen.nes, à débattre du caractère essentiel ou non de leur activité, fût-ce à court terme et en période d’épidémie, la subordination du travail au capital commence à être contestée dans son principe. En effet, le contrat de travail, qui organise cette subordination, exclut toute participation du salarié à la détermination des finalités de son travail, tout jugement sur le caractère socialement ou écologiquement utile de son activité.
Il est bien établi désormais que les épidémies de zoonoses, dont la plus récente est celle du Covid 19, sont pour partie liées à la crise écologique (déforestation, perte de biodiversité, élevages industriels, flux mondiaux de voyageurs, etc.) . L’ampleur inédite des discussions sur l’utilité du travail, menée dès le début de la pandémie, par les salarié.es de base, de façon informelle et dispersée mais omniprésente, peut servir de précédent et d’inspiration pour de futurs débats, organisés à des niveaux plus divers et articulés, détachés du contexte épidémique mais attachés à l’urgence écologique. Il n’y a aucun moyen d’éviter ces débats si l’on prend au sérieux la préservation d’une vie humaine décente en lien avec les autres espèces.