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Essai Société

Séminaire du CERI sur les politiques antidiscriminatoires

« The Multicultural Welfare State »
Compte rendu de la séance du 28 novembre 2007


par Daniel Sabbagh , le 14 février 2008


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Animé par Gwénaële Calvès (Université de Cergy-Pontoise) et Daniel Sabbagh (CERI-Sciences Po), le séminaire de recherches « Politiques antidiscriminatoires » existe depuis l’automne 2001. Le sujet est abordé dans une perspective comparative et interdisciplinaire. Au programme du 28 novembre 2007 : « The Multicultural Welfare State » de Will Kymlicka.

La séance du 28 novembre 2007 était consacrée à la présentation par le philosophe Will Kymlicka (Queen’s University) d’un texte intitulé « The Multicultural Welfare State », qui synthétise et prolonge des réflexions engagées dans son avant-dernier ouvrage collectif, Multiculturalism and the Welfare State : Recognition and Redistribution in Contemporary Democracies (avec Keith Banting ; Oxford University Press, 2006). Il y formule une critique, empiriquement étayée, des thèses selon lesquelles l’hétérogénéité ethnique de la population d’un État, d’une part, l’adoption par les autorités publiques d’une politique de promotion et de valorisation de la diversité culturelle qui en serait le corollaire, d’autre part, contribueraient toutes deux à saper les fondements de l’État providence en rendant plus difficiles le développement ou la préservation du sentiment d’identité commune et de solidarité nationale que la légitimation de ce dernier exigerait. A l’en croire, le dilemme – faut-il privilégier la redistribution des ressources économiques ou plutôt la reconnaissance des minorités culturelles, la seconde ne pouvant, à terme, opérer qu’au détriment de la première ? – ne résisterait pas à l’examen des faits [1].

La première des deux thèses susmentionnées, certes, a pu sembler validée par un certain nombre d’études portant sur des pays d’Afrique subsaharienne, d’une part, sur les États-Unis, d’autre part [2]. Mais ces deux cas demeurent assez singuliers, de par la faiblesse structurelle des institutions étatiques, dans le premier, la stigmatisation de la population noire issue de l’esclavage, dans le second, et d’autres études permettent de montrer que les résultats obtenus les concernant n’indiquent pas l’existence d’un pattern plus général. Lorsque la diversité ethnique observée est le résultat de l’immigration et affecte des régimes d’État providence plus anciennement constitués – les États européens notamment –, la corrélation négative entre cette forme d’hétérogénéité et le niveau des prestations sociales disparaît (même si, il est vrai, l’augmentation de la part des prestations sociales dans le PIB est la plus faible là où l’immigration est la plus forte). Il en va de même lorsque les minorités considérées sont des minorités nationales ou des populations aborigènes.

Dans le même ordre d’idées, si la proportion des minorités visibles à l’échelle locale, aux États-Unis et ailleurs, a bel et bien un impact négatif sur le niveau de la confiance nécessaire pour que les membres du groupe majoritaire s’investissent dans la vie associative de leur quartier – et sur le capital social accumulé à l’issue de ces investissements [3] –, cette seconde variable elle-même n’est pas corrélée au degré de soutien dont bénéficie l’État providence à l’échelle nationale.

Quant aux arguments relatifs à l’impact négatif des politiques d’orientation multiculturaliste sur le sentiment d’appartenance à une même communauté nationale – lui-même conçu comme la principale condition de légitimité de l’État providence –, ils demeurent pour l’essentiel de nature purement spéculative et ne tiennent pas compte des cas – comme le Canada – où le multiculturalisme apparaît au contraire comme une dimension constitutive de l’identité nationale.

Introduite par Daniel Sabbagh, la discussion a porté notamment sur les effets limitatifs de l’idéologie multiculturaliste sur les dispositifs de réduction des inégalités dans les pays comme les États-Unis où, de fait, la « diversité » constitue aujourd’hui pratiquement la seule valeur au nom de laquelle des politiques de discrimination positive peuvent être jugées légalement admissibles. Elle s’est achevée sur une interrogation quant à la nécessité éventuelle, dès lors que l’on adopte une démarche empirique examinant les effets des politiques multiculturalistes sur l’État providence, de désagréger le « multiculturalisme » en question en considérant séparément les différentes politiques susceptibles d’être rassemblées dans cette catégorie que l’on peut tenir pour excessivement englobante [4].

par Daniel Sabbagh, le 14 février 2008

Pour citer cet article :

Daniel Sabbagh, « « The Multicultural Welfare State ». Compte rendu de la séance du 28 novembre 2007 », La Vie des idées , 14 février 2008. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr./The-Multicultural-Welfare-State

Nota bene :

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Notes

[1La dichotomie redistribution/reconnaissance a été formulée notamment par Nancy Fraser : voir Nancy Fraser, «  Social Justice in the Age of Identity Politics : Redistribution, Recognition, and Participation  », in The Tanner Lectures on Human Values, Vol. 19, Salt Lake City, University of Utah Press, 1998, pp. 1-67.

[2À travers notamment la comparaison des niveaux de prestations sociales observés dans les différents États américains, niveau négativement corrélé à la proportion de Noirs dans la population de l’État : voir Alberto Alesina et Edward Glaeser, Combattre les inégalités et la pauvreté : les États-Unis face à l’Europe, Paris, Flammarion, 2006.

[3Cf. Robert Putnam, «  E Pluribus Unum : Diversity and Community in the Twenty-First Century  », Scandinavian Political Studies, 30 (2), 2007, pp. 137-174.

[4En ce sens, voir Jacob Levy, «  Classifying Cultural Rights  », in Ian Shapiro et Will Kymlicka (dir.), NOMOS XXXIX : Ethnicity and Group Rights, New York, New York University Press, 1997, pp. 22-66.

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