par Nicolas Duvoux
À mi-chemin entre le cabinet de curiosité et le journal ethnographique
de la pratique quotidienne du métier par un sociologue,
le blog de Baptiste
Coulmont
est rapidement devenu une référence pour la communauté des
praticiens de cette discipline.
L’intérêt de ce site est d’aller bien
au-delà de la simple présentation et discussion des travaux de l’auteur
pour proposer, dans un cadre élégant et enrichi de nombreux supports visuels,
des observations sur tous les aspects du métier de sociologue : lectures,
échanges épistolaires, actualité éditoriale, tâches plus ou moins ingrates du
métier (recrutements, congrès, etc.), le tout avec humour et distance critique.
À l’heure où les échos rencontrés par le mouvement des enseignants-chercheurs
attestent chaque jour la méconnaissance du public à l’endroit de cette
profession, le blog de Baptiste Coulmont offre un regard sur les coulisses du
métier. Il montre également comment les échanges et commentaires rendus
possibles par le web alimentent la réflexion d’un chercheur sur sa pratique.
– Le blog de Baptiste Coulmont :
par Laurent Jeanneau
Depuis février 2009, la Dares et Pôle emploi utilisent de nouvelles catégories pour la publication de la statistique mensuelle des demandeurs d’emploi. Ce changement dans la façon de traiter les données, ses raisons et ses conséquences font l’objet d’une nouvelle note d’analyse de l’Idies, l’Institut pour le développement de l’information économique et sociale.
L’auteur, l’économiste Jacques Freyssinet, rappelle que cette décision intervient à la suite de la controverse qui avait éclaté en 2007 sur les chiffres du chômage. La modification semble bienvenue, tant les anciennes catégories étaient nombreuses et complexes, et donc difficiles à interpréter, de sorte que le chiffre le plus souvent retenu était celui de la « catégorie 1 » (sans emploi, à la recherche d’en emploi à temps plein à durée indéterminée), abusivement assimilée au chiffre du chômage tout court. La nouvelle classification est plus simple et plus proche de la définition du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT). Néanmoins, « il reste encore beaucoup de progrès à réaliser pour exploiter pleinement les sources disponibles et compléter ou préciser les informations qu’elles fournissent », observe Jacques Freyssinet.
Pour en savoir plus :
– Les nouveaux chiffres des demandeurs d’emploi, par Jacques Freyssinet, Note de travail n°5, Idies (Institut pour le développement de l’information économique et sociale).
par Nicolas Duvoux
Claris est un blog créé en 2001 et qui s’est donné pour objectif de clarifier le débat public sur la sécurité à partir de quatre constats qui sont plus que jamais d’actualité en 2009 : 1) la « sécurité » est au cœur du débat public ; 2) ce débat est essentiellement animé par des acteurs autres que les chercheurs ou des praticiens de terrain alors même que 3) l’expertise de ces derniers tranche avec les voix entendues et relayées dans les médias. En conséquence, 4) cette expertise peut et doit se faire.
Claris est une action collective, un « intellectuel collectif » dont l’initiative est venue du sociologue Laurent Mucchielli, à la suite de la diffusion large et inattendue d’un ouvrage paru en 2001. Depuis cette date, le groupe cherche à intervenir régulièrement dans le débat public, notamment en diffusant gratuitement des informations par la voie électronique et sous les supports les plus pratiques. Non partisan et indépendant, le groupe souhaite apporter un autre regard sur la question de la sécurité dans l’espace public.
Le site de Claris : http://www.groupeclaris.org/.
par Nicolas Delalande
Recensé : Amartya Sen, « Capitalism beyond the crisis », New York Review of Books, 26 mars 2009.
Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998, s’interroge dans la dernière livraison de la New York Review of Books sur l’avenir du capitalisme face à la crise mondiale du système économique et financier. À distance des nouveaux convertis qui appellent à « refonder » le capitalisme ou à le « moraliser » pour mieux faire oublier qu’ils étaient, hier encore, les plus ardents défenseurs de la dérégulation, Sen considère qu’il est peut-être moins urgent d’inventer un nouveau modèle que de revenir aux sources véritables de l’économie de marché. Son analyse se veut par conséquent plus historique que prophétique : la crise doit être l’occasion de s’intéresser à l’histoire des idées économiques et de mieux comprendre comment le système a pu s’éloigner de ses objectifs initiaux et conduire à de telles dérives.
Mais, pour Sen, c’est moins la figure de Keynes, abondamment citée ces derniers temps, que celles d’Adam Smith et d’Arthur Cecil Pigou qui devraient faire l’objet de toutes les attentions. Le retour de l’État, sous la forme de plans de sauvetage, de nationalisations ou de programmes de grands travaux, est souvent justifié au nom de la théorie keynésienne. Sen estime pourtant que la pensée de Keynes n’apporte pas l’ensemble des réponses utiles pour repenser les conditions d’une économie qui puisse être à la fois juste et efficace.
Des écrits de Smith, l’économiste indien retient la nécessité de faire reposer l’économie sur une diversité d’institutions et de valeurs, en partie marchandes et non-marchandes. Smith lui-même n’était pas un idéologue du marché, précise Sen : l’auteur de La Richesse des nations avait pleinement conscience de l’importance des politiques d’aides aux plus démunis et des services publics, n’en déplaise à ceux qui ne veulent voir en lui que le théoricien de la main invisible. Chez Pigou, auteur contemporain de Keynes mais moins célèbre que lui, Sen souligne la réflexion sur les causes psychologiques des cycles économiques, indispensable pour comprendre la crise financière actuelle, et l’attention qu’il accorde à la répartition des richesses et à l’économie des inégalités.
En définitive, Amartya Sen ne partage pas l’idée selon laquelle tout serait à réinventer pour produire un nouvel ordre économique, mais semble suggérer qu’une meilleure combinaison du marché et des services publics et une répartition plus juste des richesses pourrait permettre de renouer avec un développement économique moins inégalitaire et moins instable que celui des trente dernières années.
L’article en ligne : http://www.nybooks.com/articles/22490.
par Ivan Jablonka
À propos du site : http://premierssocialismes.edel.univ-poitiers.fr//
Cette bibliothèque virtuelle sur les premiers socialismes (parfois appelés socialismes « utopiques » ou « pré-marxistes ») propose des documents produits par les saint-simoniens, les fouriéristes, Cabet et les communistes icariens ou encore Pierre-Joseph Proudhon. Ces documents sont extraits du fonds légué à l’université de Poitiers par Auguste Dubois, qui y fut professeur d’histoire des doctrines économiques et politiques. Accompagnés de textes et de bibliographies, ils permettent de découvrir la richesse d’une pensée d’autant moins « utopique » qu’elle a donné lieu à de multiples réalisations, tout au long du XIXe siècle et dans le monde entier, depuis les phalanstérions pour enfants jusqu’au Familistère de Guise en passant par la colonie de Condé-sur-Vesgre, l’Union agricole du Sig en Algérie, la colonie de Réunion au Texas et la colonie icarienne Texas-Nauvoo. Le site, qui sera encore enrichi, est doté d’un triple index permettant des recherches par mot-clé, auteur et date.
Le site : http://premierssocialismes.edel.univ-poitiers.fr//
Une vingtaine de revues de sciences humaines et sociales ont signé un texte appelant à refuser le classement des revues établi par l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES). Cet appel, que nous reproduisons ci-dessous, peut être signé en ligne à l’adresse suivante : http://www.shesp.lautre.net/spip.php?article46
Un débat très important agite, depuis 2008 au moins, la communauté internationale des chercheurs. Il concerne les revues et les modalités de leur classement, de leur notation et de leur évaluation. L’évaluation des revues n’est pas neuve (pensons par exemple au classement proposé par le CNRS en 2004), et les chercheurs sont familiers de la logique de hiérarchisation, plus ou moins formelle, qui sous-tend les pratiques scientifiques. Il nous semble même normal, sensé et essentiel que soient mises en valeur et distinguées les revues dont la qualité scientifique est reconnue par les professionnels de la recherche. Mais selon quels critères et selon quelles modalités ? Aujourd’hui, il nous paraît urgent de faire connaître notre position sur cette question, d’autant que la signification de la liste française de revues établie par l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) s’est vue confortée par la réforme du statut de l’enseignant-chercheur promue par l’actuel gouvernement.
Pourquoi ce projet de réforme, qui met les chercheurs dans la rue depuis bientôt deux mois, s’inscrit-il dans le prolongement direct de la création de l’AERES et de son classement des revues ? Parce qu’octroyer à l’AERES le monopole de l’évaluation des chercheurs consiste tout simplement à faire des revues les supports privilégiés de la discrimination et de la compétition entre chercheurs. Une fois la réforme adoptée, ces derniers seront jugés uniquement sur le nombre de leurs publications et sur la note attribuée, par l’AERES, à la revue dans laquelle ils auront publié. Pour le dire autrement, si un chercheur publie un texte dans une excellente revue spécialisée, mais mal (voire pas du tout) classée par l’AERES ou par son aîné l’ERIH (European Reference Index for the Humanities), il ne sera pas considéré comme un « bon » chercheur, et verra son travail confiné aux tâches enseignantes et administratives. Il n’aura donc plus l’occasion de mener à bien ses recherches et de les publiciser.
Pourquoi cette réforme est-elle en totale inadéquation avec la manière dont fonctionnent nos revues ? Même si elles reposent sur le principe de la sélection et de la critique constructives, les revues en sciences humaines et sociales n’ont absolument pas vocation à noter les chercheurs ! Elles produisent et transmettent un savoir. Qu’elles soient spécialisées, généralistes, ou interdisciplinaires, leur objectif est d’informer la communauté scientifique, de transmettre de nouveaux programmes de recherche, de poser des problèmes, de discuter des méthodes, de stimuler les interprétations, et non de récompenser ou sanctionner les individus. La logique comptable et compétitive de l’actuelle réforme met à mal, tout particulièrement, le rôle des « comités de rédaction », qui travaillent en effet collectivement à l’élaboration d’une ligne éditoriale, en fonction de laquelle les articles sont sélectionnés ou non pour la publication. Les placer en position de faire le tri entre « bons » et « mauvais » chercheurs, c’est introduire, dans leur travail, d’autres considérations que celles qui président à la ligne éditoriale de la revue. Or les membres d’un comité de rédaction ne sauraient être réduits à la fonction de froids administrateurs, fidèles aux critères de sélection dictés par la mode du moment ou par une conception homogène et stagnante des définitions de la scientificité. Une revue n’existe pas non plus sans le travail d’un comité de lecture dont l’avis consultatif ou le pouvoir décisionnel sont absolument cruciaux. Il revient en effet au comité de lecture de juger les articles répondant à l’appel à contributions lancé par une revue. Les choix de publication qu’effectue un tel comité n’ont rien de neutre, et il n’y a donc aucune raison pour qu’il en existe une forme unique et supérieure. Là encore, se joue l’identité d’une revue.
La course à la publication, le risque de discriminations injustifiées et de renforcement des dissymétries, l’accumulation de critères de sélection mal ajustés aux situations spécifiques : voilà ce que propose aujourd’hui le Ministère de la Recherche aux revues dont certaines sont pourtant mondialement réputées pour leurs qualités scientifiques et l’originalité de leur ligne éditoriale. Voulons-nous d’une classification arbitraire des revues ? Voulons-nous que les revues soient instrumentalisées, pour ne plus devenir, en fin de compte, que les « chambres d’enregistrement » des ambitions individuelles des chercheurs ? Non, car cette logique compétitive et quantitative correspond mal aux temporalités de la recherche en sciences humaines et sociales. Faire du terrain, aller aux archives, formuler de nouvelles hypothèses, proposer des interprétations, écrire, et penser, tout cela prend du temps ! A l’inverse, être condamné à publier à tout prix, n’importe où, n’importe quand, afin d’éviter la relégation dans la catégorie « mauvais chercheur » est tout simplement incompatible avec les exigences d’un travail de recherche honnête.
Les mutations actuelles de l’Université font peser un grand nombre d’incertitudes sur l’avenir financier et matériel de la plupart des revues. Beaucoup d’entre elles étant liées à des institutions, des laboratoires, des centres de recherche, amenés à être restructurés si l’AERES et l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) en décident ainsi, elles risquent clairement leur survie ! Il faudrait donc mener une réflexion digne de ce nom sur les modes de subvention des revues. D’autant que dans le contexte d’un tarissement évident des abonnements de bibliothèques et d’une baisse non moins évidente des ventes de sciences humaines et sociales en librairie, les revues se retrouvent confrontées aux questions de la numérisation et de l’édition électronique. En dépit de l’existence de portails comme Cairn et Revues.org pour la mise en ligne des revues « vivantes », ou Persée pour les anciens numéros de revues, la France accuse encore un certain retard dans le débat sur ces questions, faute de prise de conscience politique sur le sujet. Et pour cause : le Ministère de la Recherche nous dit que la revue va devenir le moyen central de l’évaluation des chercheurs, mais ne songe même pas à ce qu’est réellement une revue de sciences humaines et sociales ! Il en ignore farouchement les modes de fonctionnement, les usages, l’originalité éditoriale, les soutiens et modes de financement. Ceci, finalement, n’étonnera guère, puisque force est de constater que le gouvernement actuel veut engager à toute vitesse la réforme de la recherche, sans même avoir pris le temps d’en connaître ni les acteurs ni les supports.
Nous exigeons que les revues ne soient pas transformées en instruments de contrôle des chercheurs, et appelons donc à une suppression des listes de revues AERES, dans le prolongement de la demande de moratoire du 9 février 2009 par les instances scientifiques du CNRS. Nous demandons que soient préservées la pluralité, la diversité et les spécificités des revues de recherche en sciences humaines et de sciences sociales.
Premiers signataires (au 24 février 2009) : Actes de la recherche en sciences sociales, Annales du Midi, Champ Pénal, Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, Communication, Etudes Roussillonnaises, Revue d’Histoire et d’archéologie Méditerranéennes, Genèses. Sciences sociales et histoire, Gérer et comprendre, Hérodote , Interrogations, Journal des anthropologues, L’Homme, La Recherche en éducation, Revue électronique internationale francophone, Le Temps des médias, Politix, Revue d’histoire du XIXe siècle, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Revue du MAUSS, Revue Française de Socio-Economie, Ruralia, Tracés. Revue de Sciences Humaines, Travail, genre et société, Vingtième Siècle. Revue d’histoire
par Nicolas Duvoux.
Le site Espacestemps.net publie un dossier intitulé « Reprendre formes. Formes urbaines, pouvoirs, résistances » coordonné par Jérôme Chenal, Luca Pattaroni et Géraldine Pflieger. Les contributions rassemblées s’attachent à reconsidérer ce qui a été occulté par les analyses postmodernes de l’urbain : la ville dans sa dimension la plus matérielle, à travers ses formes et ses objets. Les contributions du dossier se proposent, sous des angles différents, de réexaminer la place des objets et des éléments conventionnels (normes, règles) dans la transformation de la ville.
Issu des travaux d’un séminaire organisé en 2006 à l’École polytechnique fédérale de Lausanne sur les modalités d’interaction entre expériences, pouvoirs et formes urbaines, ce dossier contient notamment une contribution de Manuel Castells, "The Networked Society : Réseaux, Espace, Société".
– Reprendre formes. Formes urbaines, pouvoirs et expériences]
Espacestemps.net.