Traduit avec le soutien de la fondation Florence Gould
Faut-il assimiler « Révolution française » et « Terreur » ? Est-il inévitable qu’un projet révolutionnaire vire à l’autoritarisme ? Annie Jourdan examine à nouveaux frais les récits classiques de la Révolution française, et propose une nouvelle interprétation de la Terreur.
Faut-il compter sur les gouvernements nationaux pour sauver le climat ? Un État peut-il être capitaliste et écologiste ? Pour Geoff Mann et Joel Wainwright, l’appel à cette solution manque de réalisme, et d’autres formes de lutte contre le réchauffement climatique doivent être envisagées.
Adoptant une approche ethnographique des musées, P. Levitt explique comment, en tant que lien crucial entre le passé et le présent, le local et le mondial, ceux-ci jouent un rôle politique en abordant les questions de nationalisme et de cosmopolitisme.
La déforestation et la production de charbon de bois sont souvent considérées comme les principales causes de la pauvreté endémique en Haïti. Cet essai appelle à la création d’un nouveau discours. Cette image d’Haïti est inexacte et économiquement contreproductive.
Sur la vie de Spinoza, on a beaucoup écrit et spéculé — particulièrement pour expliquer son exclusion de la communauté juive. M. Rovère rouvre le dossier et en propose une version à la fois originale et romancée.
L’Encyclopédie critique du genre dirigée par Juliette Rennes est beaucoup plus qu’un panorama des études sur le genre. Elle montre comment le genre réinvente les sciences sociales traditionnelles et fait naître de nouveaux questionnements. Dépassant largement les controverses, la notion de genre révèle l’étendue de sa force critique.
Dans La Politique du Blé, Alain Chatriot retrace le débat politique qui a accompagné la naissance de l’Office Interprofessionnel du Blé, établissement public créé en 1936 par le gouvernement de gauche au pouvoir en vue d’une stabilisation du prix du blé – et contribue ainsi à l’étude des interventions étatiques sur les marchés agricoles.
Selon une idée répandue, la population américaine serait restée indifférente face au génocide des Juifs d’Europe ou l’aurait délibérément ignoré. Catherine Collomp montre qu’il n’en est rien, en retraçant l’histoire du Jewish Labor Committee (JLC), et de son action pour informer les États-Unis sur le nazisme mais aussi sauver de nombreux Juifs et des syndicalistes de la mort, en France et en Pologne.
Camus, en qui Sartre voyait « l’admirable conjonction d’un homme, d’une action et d’une œuvre », incarne la figure très française de l’intellectuel engagé, ou de ce qu’on nomme outre-Atlantique un intellectuel public. Soixante-dix ans après la parution de L’Étranger, son œuvre continue de fasciner les lecteurs américains.
En publiant On the Run, la sociologue Alice Goffman s’est attirée de nombreux éloges avant de susciter de plus en plus de controverses. Si la plupart des critiques ont mis en cause la précision de sa recherche ethnographique, elles ont éludé l’essentiel : l’intrusion de l’économie de marché dans le monde universitaire.
De quand date l’avènement des sociétés de consommation ? De la fin du XXe siècle, croit-on le plus souvent. De bien plus longtemps, affirme Frank Trentmann dans un essai d’histoire globale qui en retrace l’histoire de l’Italie du XVe siècle à la Chine contemporaine. Débat à quatre voix sur un livre qui fera date.
Le gros des commentateurs a vu dans Trump le candidat des Américains blancs pauvres. Le sociologue Isaac Martin pointe, à rebours, la longue tradition américaine consistant à accuser de racisme les Blancs pauvres, comme pour mieux laisser prospérer celui des élites.
Comment expliquer la conversion des évangéliques américains au discours de Donald Trump ? Interrogeant les habitants d’une petite ville du Midwest, Jessamin Birdsall montre que le ralliement au candidat républicain est le produit d’un compromis idéologique, qui s’enracine dans la peur de communautés perçues comme menaçantes, les musulmans et les LGBT.
Comment se détermine la valeur de l’art contemporain sur un marché de l’art globalisé ? Dans le domaine de l’art contemporain mainstream, la formation du prix résulte d’un processus multipolaire dont les artistes, les marchands et les collectionneurs n’ont plus l’exclusivité dans la mesure où interviennent désormais des intermédiaires obscurs ou invisibles.
En 2009, Elinor Ostrom figure parmi les lauréats du prix Nobel d’économie pour son analyse de la gouvernance économique, notamment en ce qui a trait aux biens communs. Si ce choix en surprend plus d’un au sein de la profession, sa quête de toute une vie pour comprendre les modalités de gestion réussie des ressources communes est riche d’enseignements pour notre avenir.
En quoi l’Histoire est-elle pertinente pour comprendre les débats actuels sur la race, les inégalités économiques ou bien encore le récit national ? Thomas Sugrue, historien renommé, spécialiste des crises urbaines et de la ségrégation, insiste sur la valeur de la passion et d’un travail de recherche minutieux. Les historiens peuvent et doivent s’engager dans le débat public, mais selon leurs propres termes.
Dans un ouvrage récent, Intisar Rabb, professeur de droit à Harvard, traite de ce qu’elle appelle le « critère de doute » en droit musulman, selon lequel les juristes sont censés éviter toute peine criminelle en cas de doute. Rabb rappelle qu’il s’agit là d’un concept central en droit musulman, pourtant trop souvent ignoré de nos jours.
En 2001, les États-Unis se sont lancés dans une guerre contre la terreur dont les échecs n’étaient pas totalement imprévisibles. Mais le plus surprenant est que cette guerre soit restée pratiquement invisible du public américain, malgré quelques scandales. Loin d’être imposée par les nécessités de la guerre, cette invisibilité résulte de phénomènes dont les racines plongent au cœur de l’histoire du pays.
Eugene White, l’un des plus importants historiens de la finance aux États-Unis, nous explique comment l’histoire peut contribuer aux débats qui ont lieu actuellement sur la régulation bancaire. En mettant l’accent sur les différences entre les crises financières du XIXe et du XXe siècle, il explique les causes des krachs financiers, l’héritage du Glass-Steagall Act, et l’avenir du secteur bancaire.
L’hyperspécialisation des études historiques n’est pas une fatalité. Pour David Armitage, professeur à Harvard, il est urgent que l’histoire intellectuelle retrouve le sens et le goût de la longue durée. Sous peine de voir les approches naturalistes dominer ce que l’on nomme maintenant la big history.
La mémoire du fascisme continue de faire débat dans l’Italie contemporaine. Dans son dernier livre, l’historien Christopher Duggan, s’appuyant sur des correspondances et des journaux intimes, s’efforce de démontrer le pouvoir de séduction et d’attraction que le Duce a exercé sur la population italienne. L’occasion de débattre, à plusieurs voix, sur la nature du fascisme, sa dimension totalitaire et sa puissance d’incarnation.
S’il n’y a de droits et de devoirs qu’entre les hommes, comment se sentir obligé à protéger notre environnement ? C. Larrère montre que les réponses apportées par les philosophies écologiques sont largement tributaires de la pensée moderne occidentale : s’il y a des valeurs à respecter dans la nature, c’est que nous ne sommes pas seuls au monde.
Et si l’économie était la grande oubliée des révolutions ? Depuis deux décennies, les questions politiques et culturelles ont relégué la justice sociale au rang de préoccupations secondaires. Selon l’historien Charles Walton, le problème de la redistribution, déjà posé lors des révolutions de la fin du XVIIIe siècle, se situe pourtant au cœur des motivations des révolutionnaires égyptiens.
Les banquiers et les régulateurs doivent-ils endosser la crise ? Cette simplification pourrait être aussi malavisée que la tendance des Allemands à accuser la France et la Grande Bretagne d’être responsables de leurs difficultés économiques dans l’entre-deux guerres. Les crises se prêtent parfaitement à produire des légendes, mais nous devrions trouver d’autres manières d’y faire face.
Quels liens relient le mouvement chrétien conservateur américain contemporain à l’homophobie ? Se basant sur les textes de l’organisme chrétien Focus on the Family, Ludger Viefhues-Bailey explore le discours du conservatisme chrétien contemporain, en faisant la part du programme politique et de la doctrine religieuse.
Pour les républicains, la primaire de l’élection présidentielle de 2012 devait exposer au grand jour la composition de leur parti. Comment répondre à la percée du Tea Party et au réalignement de l’électorat à l’œuvre depuis décembre 2010 ? Si les changements idéologiques ont joué un rôle, les règles mêmes de ce jeu très complexe que sont les primaires fournissent également une réponse.
À l’origine conçue pour éclairer les médecins dans leurs prises de décision, l’EBM (Evidence-Based Medicine) est devenue, en Amérique du Nord comme ailleurs, une méthode de gestion des risques contribuant à la standardisation de la pratique médicale, et à la déshumanisation de la relation entre soigné et soignant.
Chicago vient de recevoir un sommet de l’OTAN que les manifestants d’Occupy et autres protestataires n’ont guère malmené. L’historien Andrew Diamond prévoyait quelques temps auparavant les limites probables de la mobilisation dans cette ville écrasée par la gouvernance néo-libérale et en expliquait les raisons.
Les grands ensembles métropolitains peuvent-ils être soutenables ? Étudiant deux configurations émergentes, la mégarégion et la ville globale, la sociologue Saskia Sassen explore les voies d’un partage plus équitable des bénéfices à l’échelle des grandes conurbations urbaines. Elle appelle à inventer les nouveaux outils analytiques qui permettront de penser l’autosuffisance sans l’exclusion, la stimulation sans la destruction, la globalisation sans l’annihilation de la diversité.
Une fiscalité environnementale qui soit ambitieuse doit s’inscrire dans une réforme plus large permettant de traiter simultanément divers problèmes : équité et progressivité du système fiscal, réduction du poids des prélèvements sociaux, financement des retraites et résorption de la dette.
Économie de l’environnement, des ressources naturelles, du développement durable, green economics, sustainability science, bioéconomie, écodéveloppement : nombreux sont les disciplines et les concepts qui croisent considérations environnementales et économiques. On revient ici sur l’économie écologique, qui a réussi à investir le champ académique et à démultiplier les débats.
Bruce Ackerman, chercheur en droit de renommée mondiale, veut redonner tout son sens à l’exercice de la citoyenneté dans les démocraties actuelles. Il revient ici sur les fondements intellectuels de son travail, et sur certaines des applications pratiques qu’il a élaborées avec d’autres chercheurs, invitant particulièrement à tenir compte de l’influence de l’État dans l’histoire personnelle de chacun d’entre nous.
La création de programmes de santé réservés aux Noirs et des pratiques tels que les tests d’ascendance génétique risquent-ils de provoquer le retour d’un Apartheid médical dans l’Amérique contemporaine ? D’après Alondra Nelson, les pratiques médicales et scientifiques propres aux corps noirs permettent un « empowerment » du groupe et une négociation de son identité ethnique.
Ghislaine Lydon met en lumière les réseaux commerciaux qui dominent le Sahara depuis toujours. Le tableau qu’elle dresse de l’évolution des institutions économiques et sociales devrait faire pièce à l’idée d’une inertie des sociétés précoloniales qui peuplent le désert et ses environs.
Pierre-Michel Menger expose l’argument directeur de son ouvrage pour répondre aux questions et objections de Nathalie Heinich. Il s’agit avant tout de penser la création artistique comme un travail, et de la soumettre aux mêmes grilles d’analyse sociologique et économique que tout autre travail.
Michael Jackson était bien plus qu’un chanteur : Sylvie Laurent retrace l’histoire de cette star devenue « monstre », dont la quête de blancheur et d’androgynie révèle à bien des égards les tiraillements de la communauté afro-américaine confrontée au racisme et au sexisme.
Pour un délit ordinaire aussi bien que pour un génocide, la justice s’incarne dans des formes de droit, des institutions, des relations humaines. S’il est vrai que la justice internationale n’en est qu’à ses balbutiements, il reste que le Tribunal pénal international d’Arusha, chargé de juger les personnes impliquées dans le génocide rwandais de 1994, rencontre des difficultés particulières, liées notamment à la longueur des procédures, aux droits de la défense et à l’indifférence médiatique qui l’entoure. Une sociologue du droit s’est rendue à Arusha en Tanzanie pour enquêter sur les paradoxes de la justice internationale.
Deux documents importants, traduisant des écrits rares ou inédits de l’artiste américain, témoignent de l’évolution d’un des peintres emblématiques du XXe siècle et le replacent dans le contexte historique et artistique des années 30-40.