Fanny Bugeja est maître de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense et sociologue à Mosaïques (Lavue/CNRS). Ses travaux portent sur les inégalités de logement. Elle s’est notamment intéressée à l’articulation entre contrainte budgétaire de logement et stratification sociale (avec Jérôme Accardo, Dossier Insee Référence, 2009) et aux déterminants institutionnels des inégalités d’accès à la propriété en France et au Royaume-Uni (Revue Française de Sociologie, n°52-1, 2011).
Les jeunes et les pauvres sont aujourd’hui accablés par le coût du logement
En 20 ans, le poids du logement dans le budget des ménages s’est considérablement alourdi, au point de devenir insupportable pour certains. C’est le cas des locataires du secteur privé mais aussi, dans une moindre mesure, des locataires du parc social, en particulier des jeunes et des ménages modestes. Le coût de l’espace disponible a presque doublé en 20 ans pour les locataires du secteur privé alors qu’il est resté quasiment stable pour les propriétaires, y compris les propriétaires endettés. Dans le même temps, le profil-type du locataire s’est modifié : il s’est rajeuni et paupérisé, sous l’effet de l’insertion plus tardive et plus difficile des jeunes sur le marché de l’emploi et de l’accroissement des exigences bancaires pour l’obtention d’un emprunt immobilier.
La crise du logement touche en priorité les jeunes qui ne sont pas aidés par leur famille
Les inégalités générationnelles au regard du logement ont atteint un niveau inacceptable. Le logement pèse en effet bien trop lourdement sur le budget des jeunes adultes locataires, contraints de réduire considérablement la part des dépenses qu’ils consacrent aux loisirs. A l’inverse, les plus de 65 ans sont pour, trois sur quatre d’entre eux, propriétaires de leur résidence principale et n’ont plus à payer de crédit immobilier. Dégagés de cette contrainte financière, ils peuvent consacrer aux loisirs une place de plus en plus importante dans leur mode de vie.
À ces inégalités générationnelles s’ajoutent des inégalités entre jeunes, selon qu’ils sont ou non aidés par des parents eux-mêmes propriétaires. La jeunesse non aidée est non seulement pénalisée par la faiblesse du soutien parental (niveau de l’aide financière, absence de caution pour l’accès à la location, etc.) mais aussi par l’absence d’aide de l’État ou de la collectivité.
La politique du logement est foncièrement inégalitaire
La politique de logement a raté ses objectifs. Elle n’a pas permis d’alléger, comme elle en avait l’ambition, la contrainte budgétaire du logement pour les jeunes et les plus démunis. Au contraire, un des effets de l’Aide Personnalisée au Logement (APL) aux jeunes et aux étudiants a été la hausse des loyers des logements qui leur étaient destinés. De même, les mesures en faveur de l’accession à la propriété (le Prêt à taux zéro notamment) ont favorisé la hausse des prix immobiliers et profité majoritairement à des ménages aisés qui seraient devenus propriétaires même en l’absence de tels dispositifs.
Les gouvernements successifs ont fait le choix de soutenir prioritairement l’accession à la propriété ; cette politique s’est accélérée à partir de 2007. Or cette logique patrimoniale et conservatrice s’est faite au détriment de la location. L’époque du locataire tout-puissant et des loyers bas des années 1960, durant laquelle il n’était pas rare d’être locataire une vie entière, est aujourd’hui bel et bien révolue. La politique du logement a donc conduit à la reproduction des inégalités sociales de génération en génération.
Vidéo réalisée par David Bornstein.
Montage : Thomas Grillot.
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Pour citer cet article :
David Bornstein & Pauline Peretz, « Faire une France de bien-logés. Entretien avec Fanny Bugeja »,
La Vie des idées
, 24 février 2012.
ISSN : 2105-3030.
URL : https://laviedesidees.fr./Faire-une-France-de-bien-loges
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