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Recension International

L’optimisme volontaire d’un citoyen de l’Eurogolfe


par Dominique Avon , le 17 mars 2008


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Terreur et Martyre sont les mots d’ordre des « deux Grands Récits », celui « du terrorisme » adossé au « martyre » pour susciter l’avènement d’un État islamique universel selon le vœu de Ben Laden, Zawahiri et Al Qa’ida ; celui de la Global War on Terror de George W. Bush et de ses conseillers en vue de « stabiliser des régimes démocratiques pro-américains dans un Moyen-Orient restructuré ». Le « frappant parallélisme dans l’exécution et l’objet » de deux idéologies repose sur une argumentation nourrie, mais il n’est pas entièrement convaincant. Et la faveur accordée aux voix médianes européennes ne permet pas de saisir si la résolution du problème du radicalisme religieux passe par l’évacuation du religieux lui-même.

Recensé : Gilles KEPEL, Terreur et Martyre. Relever le défi de civilisation, Paris, Flammarion, 2008, 366 p., 22, 50 euros.

Voici bientôt vingt-cinq ans, avec Le Prophète et le Pharaon [1], Gilles Kepel proposait une analyse sur les tendances radicales de l’islam contemporain, un sujet alors peu familier aux populations européennes et nord-américaines. Professeur à Sciences-Po Paris, il prolonge l’héritage de Rémy Leveau dans la chaire Moyen-Orient Méditerranée, en conduisant une recherche individuelle et des travaux collectifs, dont certains ont été traduits en plusieurs langues. Ses séjours réguliers en Orient, son réseau international de relations universitaires, ses interventions dans les médias de langue française, anglaise et arabe, ont fait de lui un intervenant de premier plan. L’approche adoptée, les catégories employées pour décrire le phénomène étudié, et certaines de ses conclusions ont été discutées par d’autres spécialistes, notamment à la suite de la publication de l’ouvrage Jihad. Essor et déclin de l’islamisme (Gallimard, 2000), un débat dans lequel les enjeux de fond ont pu être voilés par des inimitiés personnelles ou des rivalités institutionnelles [2]. Dans son dernier essai, G. Kepel oppose deux termes : le « programme néoconservateur » combiné à la « démesure militaire » des « apprentis sorciers de Washington » face au « projet jihadiste » animé par « l’ivresse terroriste » de ceux de « Tora Bora ». Cette opération le conduit, in fine, vers une interrogation qui sort du registre de l’étude au sens propre : « Quelle voie alternative existe-t-il face à l’impasse » ? La réponse combine l’observation et le vœu : « un lent mais irrépressible mouvement d’intégration culturelle se met en œuvre en Europe au terme duquel le partage d’une identité et d’un destin, quelles que soient les contradictions qui en émanent, devra l’emporter sur l’exaltation de la différence et l’irrédentisme islamiste. »

Le bilan des États-Unis

G. Kepel ne reprend pas la description des parcours et réseaux des hommes de pouvoir aux États-Unis depuis 2000, éléments présentés dans le chapitre intitulé « La révolution néoconservatrice » de son précédent ouvrage, Fitna (Gallimard, 2004). Il s’en tient au résultat, à savoir le discours de l’administration Bush et de ses principaux relais médiatiques reconnus ou inavoués, sans entrer dans les arcanes des agences de renseignement américaines et de leurs contractants privés, tel l’organisme SITE (Search for International Terrorist Entities) qui mériteraient pourtant une étude systématique. Il revient sur les deux phases de l’intervention militaire américaine : « les opérations militaires en Afghanistan et la traque des dirigeants d’Al Qa‘ida », bénéficiant de « soutiens dans le monde musulman » ; « l’invasion de l’Irak » et le « renversement de Saddam Hussein » suivie d’une « insurrection imprévue » qui ne fut pas entravée par une « répression mal gérée ». Depuis, ces combats ont été amplifiés par des rivalités intra-confessionnelles (pour le leadership au sein de la communauté chiite entre « l’ASRII des frères Hakim » – Assemblée suprême pour la révolution islamique en Irak – et l’Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr), la corruption, le népotisme, la concussion et les trafics en tous genres.

Rapport Baker-Hamilton à l’appui, le bilan est sans complaisance : « montée des antagonismes entre sunnites et chiites », « montée en puissance d’un Iran radicalisé », « déréliction de l’Afghanistan du président Karzaï ». Ce résultat est aggravé par l’inefficacité militaire et les scandales couverts de deux noms, devenus signes de contradiction pour ceux qui prétendent assumer une mission universelle de « civilisation » : Guantanamo et Abu Ghraïb. Pour G. Kepel, l’échec a pour origine un manque de connaissance de la réalité des sociétés de l’Orient qui n’ont que peu à voir avec celles du Japon et de l’Allemagne en 1945. Ainsi, la dissolution de l’armée de Saddam Hussein et l’interdiction d’accès à l’emploi public pour tout membre du parti Baas sont considérées comme une erreur fatale. Elle n’est qu’en partie compensée par des initiatives postérieures qui, moyennant espèces sonnantes et trébuchantes, permettent de retourner des jihadistes de la veille en défenseurs du lendemain d’un État irakien sous tutelle. Un jeu présenté comme dangereux pour des autorités américaines incertaines d’en maîtriser l’issue.

Le « mouvement jihadiste »

Le « mouvement jihadiste », selon G. Kepel, s’accomplit selon trois grandes phases qui se chevauchent à la manière d’un tuilage. La lutte contre « l’ennemi proche » dans les sociétés majoritairement musulmanes a été suivie du combat contre « l’ennemi lointain » par actions d’éclat contre les États-Unis, ses intérêts et ses alliés, il se combinerait aujourd’hui avec une triple « guerre » (d’usure, d’équilibre, de libération) menée par des cellules attendant le moment propice pour exercer un « terrorisme louable » – irhab mahmoud. L’auteur apporte des éléments d’information pour ceux qui n’ont pas les moyens de suivre les débats sur internet, l’activité de prédication mobilisatrice envers des « masses » et d’élimination des intellectuels vendus à « l’ennemi ». Il rend compte des motifs de l’échec du « jihad de défense » en Afghanistan après octobre 2001 et de l’activation d’un jihad de reconquête depuis 2005. Il dessine le glissement, en Irak, d’un combat mené contre les Américains à une mêlée divisant sunnites et chiites radicaux. Il reprend, par le détail, les actes et les discours d’Al Qa‘ida, depuis la déclaration annonçant la constitution d’un « Front islamique mondial contre les juifs et les Croisés », prolongeant l’ouvrage, dirigé par ses soins, de textes choisis et traduits [3]. Il retrace l’itinéraire d’Abou Moussab al-Zarqawi, signale les divergences au sommet d’al-Qa ‘ida entre ce dernier et Ayman al-Zawahiri, puis l’isolement de Zarqawi face à certains groupes sunnites à la veille de sa mort, en juin 2006, lors d’une opération de l’armée américaine. Il situe ce choix de la violence à outrance par rapport au discours des têtes pensantes qui, il y a dix ans, animèrent de leur verbe le Londonistan et l’Afghanistan des Talibans. Il montre que l’« État islamique d’Irak », proclamé le 15 octobre 2006 par le Conseil consultatif des moudjahidines en Irak, se donnant « pour priorité absolue la guerre contre les chiites et les Kurdes », a échoué. Désormais, selon G. Kepel, deux générations s’opposent quant aux orientations stratégiques à donner au mouvement. D’un côté, le « Grand Récit triomphaliste » contre l’alliance « siono-croisée » de Zawahiri donne des signes d’épuisement. Le bras droit de Ben Laden peine à convaincre puisque, malgré les échecs américains, ceux qui se revendiquent d’Al-Qa‘ida ne triomphent nulle part de manière décisive (au Maghreb, dans la corne africaine, en Irak, en Afghanistan). Il éprouve des difficultés à réagir en temps réel face aux événements qui touchent le monde majoritairement musulman (affaire des « caricatures » ; guerre entre Israël et le Hezbollah). Ce choix de la guerre frontale a d’ailleurs davantage bénéficié au réseau des Frères musulmans, qui acceptent de transiger avec des pratiques exogènes à un islam conçu comme pur (en participant aux scrutins électoraux par exemple), et aux chiites (en Irak, et au Liban après la guerre de l’été 2006). De l’autre côté, l’option stratégique d’Abou Moussab al-Souri, auteur d’un volumineux Appel à la Résistance islamique mondiale (2004), qui théorise la constitution de focos sous toutes les latitudes, « contre l’Occident et ses alliés musulmans apostats », paraît plus pertinente. Ce choix consiste à faire profil bas en temps de faiblesse militaire, selon l’inspiration de la geste de Muhammad lui-même.

La tentation est grande, écrit G. Kepel, de voir dans les attentats préparés et subis en Europe (Madrid, Londres, Glasgow), une application de la méthode de Souri, prisonnier des États-uniens depuis la fin de l’année 2005, par des tenants de la « ‘troisième génération du jihad’ ». La question reste ouverte, ajoute-t-il, pour ce qui relève de la mobilisation au nom de l’islam lors d’événements qui ont émaillé ces dernières années : assassinat de Theo van Gogh, manifestations contre les journaux qui ont publié des caricatures du prophète de l’islam, menaces de mort contre le professeur Robert Redeker, réactions indignées à la suite du discours prononcé par Benoît XVI à l’Université de Ratisbonne. La réponse est négative, enfin, pour ce qui concerne les violences qui ont traversé les « banlieues » françaises à l’automne 2005, ce qui invalide le récit élaboré par les médias d’outre-Atlantique. Dans l’Hexagone, où « la population d’origine musulmane » est la plus nombreuse mais où la pratique ne serait pas éloignée de celle des autres confessions, les aspirants au jihad auraient été « mithridatisés] par le terrorisme dès les décennies 1980 et 1990 ». Les discriminations sociales, insiste G. Kepel, ne doivent pas cacher un processus d’intégration en marche, conservant des accents de la « tradition coloniale » mais favorisant une réelle mixité dont témoigne le nombre de couples musulman(e)s – non musulman(e)s, un phénomène dont l’ampleur serait inédite (mais pour lequel aucun chiffre n’est donné). Par contraste, le clivage national et confessionnel est plus violent de l’autre côté de la Manche, il hériterait des traits de l’empire britannique qui rayonnait à partir de son centre anglais (couronne, Église et style de l’élite). Les Pays-Bas sont, eux, confrontés à l’échec d’une politique de développement séparé en « piliers » (zuilen) malgré la forte représentation politique d’une élite musulmane laïcisée. Le climat de libéralisme en matière de mœurs aurait favorisé une forme de schizophrénie aux conséquences violentes assumées par des musulmans hollandais et des réactions antimusulmanes aux relents xénophobes. Les termes de l’équation sont différents au Danemark où l’identité nationale puise profondément dans une langue, une histoire et une confession (le luthéranisme), sans rivalité possible pour des communautés internes confrontées au choix de l’assimilation ou du départ. Face à une crispation religieuse alimentée par le discours d’imams intransigeants, une partie de l’opinion danoise est tentée par une réaction politique animée par l’extrême droite. Flatteuse pour la France qui aurait su faire prévaloir la « Loi commune de la cité » sur les « injonctions divines » quand éclataient les bombes de Madrid et de Londres, la démonstration porte cependant sur un nombre réduit de faits et d’enquêtes, même si ces dernières émanent d’institutions anglo-saxonnes a priori peu francophiles. Or, force est de constater que le rapport au religieux reste un sujet sensible dans l’opinion française. La qualification « d’origine musulmane » utilisée par G. Kepel pour parler des « résidents européens » venus du sud de la Méditerranée, du Golfe ou du sous-continent indien, témoigne de cette difficulté à appréhender un phénomène complexe pour lequel les protagonistes eux-mêmes n’ont pas de réponse définitive.

De l’islamisme au jihadisme

L’« islamisme » est un concept qui a fait couler beaucoup d’encre. G. Kepel l’utilise désormais avec parcimonie, préférant circonscrire son objet d’étude au « mouvement jihadiste » avant de s’interroger sur ses possibles échos. Ce faisant, il n’assume pas l’effort théorique qui lui permettrait de confirmer ou d’infirmer ce qu’il annonçait voici moins d’une décennie, à savoir le « déclin de l’islamisme ». Il ne permet pas non plus à son lecteur de mesurer la porosité qui permet de passer du milieu jihadiste à celui de l’islam dit du « juste milieu » (wasatiyya), représenté par des personnalités abondamment citées dans l’ouvrage : le cheikh Qardhawi et l’enseignant Tariq Ramadan. Il fait la part belle à ces deux figures, certes médiatiques mais pas toujours d’accord – notamment sur la conception du « fiqh de minorité » censé fixer un cadre jurisprudentiel acceptable pour les musulmans en Europe – et peut-être moins influentes, dans la durée, que les dirigeants des nombreuses associations ou institutions cultuelles qui œuvrent sur le terrain depuis des décennies (elles ne sont même pas évoquées dans le cas des Pays-Bas). La difficulté est réelle dans la mesure où il n’existe pas d’autorité incontestée en islam sunnite, projet cher à la pensée de Kawakibi qui, il y a plus d’un siècle, avait imaginé un califat modeste, État réduit à ses plus simples attributs autour de la Mecque et de Médine, en relation avec les émirats et autres sultanats du monde pour ne pas corrompre le spirituel dans le temporel. Cette difficulté est accrue par l’absence de lieux de débat où les musulmans ne craindraient pas d’aborder publiquement les questions les plus sensibles : celle de la nature du texte considéré comme révélé, celle de l’écart entre le vécu des fidèles et les prescriptions des autorités magistérielles, celle du rapport à la violence, celle de l’apostasie, celle de la création dans tous les domaines de l’art, celle de l’usage de l’argent (pensons aux pratiques des institutions financières dite islamiques, ou à l’existence d’une Bourse en Arabie saoudite)… Les excuses présentées le 6 mars 2008 par Al Jazeera, à la suite de propos tenus dans une émission et qui auraient heurté les musulmans, est un exemple qui manifeste cette difficulté. Ceci étant, Al Jazeera n’est pas la voix d’un islam monocorde, encore moins la caisse de résonance du seul « Grand Récit » du martyre. G. Kepel le sait bien mais, à le suivre, le lecteur se prend parfois à douter. La chaîne qatariote n’est certes pas à la hauteur du slogan qui a fait sa fortune – « L’opinion et son contraire » –, concernant le conflit israélo-palestinien au premier chef, elle a néanmoins su offrir un espace de parole qui n’a pas beaucoup à envier à certains médias européens ou américains.

Il est du rôle des islamologues de rendre compte de la variété des prises de position au nom de l’islam, de l’accélération de la modification structurelle du magistère au sein du sunnisme, de la disqualification des autorités traditionnelles pour des raisons politiques (soumission aux pouvoirs autoritaires) et scientifiques (faible ouverture aux langues étrangères et aux sciences humaines). Quels sont les rapports entre l’Association internationale des savants musulmans et la Ligue islamique mondiale, organe qui focalisait quelque peu l’attention des spécialistes, il y a une vingtaine d’années ? Quels sont les débats au sein du Conseil européen de la fatwa ? Comment se positionnent le Muslim Council of Britain et le Conseil français du culte musulman, si différents par leur composition, leur histoire et les fidèles qu’ils représentent ? G. Kepel ne s’attarde pas à l’analyse comparée des institutions et réseaux musulmans européens, aux circuits financiers, aux maisons d’édition, à l’évolution des sites internet même sur une courte période (il y a ainsi bien des modulations à prendre en compte entre ce qu’on pouvait lire sur oumma.com il y a cinq ans et aujourd’hui). On regrettera que les divergences entre responsables sunnites lors du siège du camp de Nahr al-Bared n’aient pas été restituées comme il se devait, comme on regrettera l’ignorance de la « Lettre ouverte et appel des guides religieux musulmans », document adressé en octobre 2007 à tous les représentants des Églises chrétiennes (catholique, orthodoxes et protestantes).

La figure du « martyr-combattant »

G. Kepel récuse la lecture néoconservatrice américaine d’un fil conducteur entre les divers mouvements musulmans armés, ou de propagande revendiquant le droit à la lutte violente. Il trace parfois un trait qui y ressemble. Sa « généalogie chiite du martyre » pose problème car elle inscrit la pratique de l’attentat-suicide dans la seule tradition musulmane, et fait du Hezbollah son inventeur pour notre temps. Il importe, bien sûr, d’exposer cet héritage et d’en indiquer les éléments majeurs, à condition de ne pas s’y cantonner. Si, à l’époque contemporaine, la filiation entre les attentats-suicides des Japonais ou des Tamouls et ceux des groupuscules fondateurs du Hezbollah est difficilement démontrable, il en va différemment des actions perpétrées par certains de leurs compatriotes chrétiens lors de la guerre civile libanaise. G. Kepel ne prend pas la peine de s’arrêter sur ce conflit, il ne se penche pas sur la prose d’un Walid Phares, sur les articles publiés à l’époque par le magazine des Forces libanaises Al Massira et le journal du parti Kataëb Al-Amal qui ne manquent pas de décliner sous toutes ses formes le terme « martyr » (shahid). C’est aussi à cette lumière, et pas seulement à celle qui vient du Téhéran de Khomeiny, qu’il faut lire les « opérations-martyres » de 1982 et 1983 perpétrées par des chiites contre les Israéliens, puis contre les troupes américaines et françaises. Ce faisant, nous pouvons mieux comprendre pourquoi, dans son document fondateur de 1985, le Hezbollah privilégie la figure du « martyr-combattant » contre « l’armée ennemie », pourquoi, par la suite, le « parti de Dieu » ne se vante pas des attentats de 1983 et pourquoi aucun attentat-suicide ne lui a été attribué depuis la fin de la guerre du Liban. En ce sens, les correspondances établies avec les « attentats-suicides » menés par des groupes sunnites, dans le cadre israélo-palestinien puis en Irak et en Afghanistan, sont floues. Le lecteur a d’ailleurs du mal à comprendre comment les « 415 » membres de Hamas et du Jihad islamique palestinien, arrêtés par les Israéliens en 1992 et déportés à Marj-az-Zohour, pouvaient être situés « dans la zone contrôlée par le Hezbollah » (p. 101) puisque l’armée israélienne ne s’est retirée du Sud-Liban qu’en 2000. Au demeurant, hors du cadre palestino-israélien, les médias de langue arabe témoignent de leur gêne à l’égard de ces actes : dans le cas de l’Irak c’est le terme « tués » et non celui de « martyrs » qui est généralement employé pour évoquer les auteurs des attentats et les victimes, qu’elles se situent du côté sunnite ou chiite.

Le « grand récit » en question

La représentation du « Grand Récit » de la guerre contre la « Terreur » ne donne pas non plus entière satisfaction. Dans l’introduction accordée à l’ouvrage, Maria-Serena-Riad Madani souligne le fait qu’il s’agit d’une « guerre profuse et chaude marquée par l’asymétrie et le déséquilibre ». Le problème est que le plan adopté par G. Kepel pour les besoins de sa démonstration est conçu selon une symétrie dérangeante parce que non-conforme au rapport de forces et d’influence. Cette guerre est la priorité de l’administration Bush, mais elle ne doit voiler ni d’autres pratiques ni d’autres agendas. Les États-Unis n’ont jamais abandonné la possibilité d’utiliser la carte de mouvements musulmans radicaux pour servir certains de leurs intérêts, Kepel l’avait lui-même indiqué pour ce qui concerne le F.I.S. algérien au début des années 1990 et il en fut de même pour le Soudan malgré l’action de lobbying exercée par des Églises protestantes lors de la guerre civile. Les choix stratégiques américains dans les Balkans, à l’heure de la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo dont le premier ministre est un ancien chef de l’AKP, n’obéissent pas non plus à la logique générale du « Grand Récit ». G. Kepel passe ce fait sous silence. Il ne dit rien des relations entre les États-Unis et la Ligue des États arabes, il ne semble pas davantage s’intéresser au rôle de l’Organisation de la conférence islamique. Il n’indique pas, non plus, les continuités entre la politique de Clinton et celle de George Bush Jr, sur le dossier irakien comme sur celui, plus général, de la lutte contre le « terrorisme » : la conférence de Charm al-Cheikh de 1996 n’est évoquée que par incidence. Mentionner ce point n’est pas anodin, car les prétendants actuels à la magistrature suprême aux États-Unis n’ont finalement pas défini de vraie politique de rupture à l’égard de celle qui prévaut. Ce tableau dressé par G. Kepel présente, enfin, des trous noirs difficilement compréhensibles. La Russie et la Chine n’apparaissent jamais comme des acteurs exerçant un poids sur le « Grand Récit » américain, ce qui est pour le moins curieux. Ces deux États sont préoccupés par l’islam parce qu’ils comptent des minorités musulmanes souvent opprimées, parfois touchées par le vent du radicalisme, ainsi chez les Tchétchènes ou chez les Ouïgours. Mais, surtout, la Russie n’a jamais quitté le paysage iranien et elle revient sur la scène proche-orientale par la réactivation de réseaux, notamment via la Syrie, ce qui peut expliquer pourquoi une délégation du Hamas a été reçue à Moscou après les dernières législatives palestiniennes. La Chine intervient non seulement au Maghreb et au Soudan, par le biais de ses entreprises et de ses travailleurs, mais elle prend date au Liban, où son ambassadeur est un parfait arabisant, où ses soldats participent à la FINUL, et où elle envisage de créer un centre culturel (le premier dans le monde arabe). Le silence observé par G. Kepel sur l’acteur pakistanais dont le poids est considérable pour l’avenir des intérêts américains dans la région dite du « Grand Moyen Orient » est encore plus incompréhensible.

Israël

Quant à la politique de l’État d’Israël, elle n’est traitée qu’en creux, pour discréditer le discours d’al-Qa‘ida, du Hamas et d’al-Jazeera. Deux causes sont imputables à l’échec des accords d’Oslo (1993), selon G. Kepel : l’action violente de groupes palestiniens (Hamas et Jihad islamique en tête) fondée sur le sacrifice et le martyre ; la frilosité des investisseurs étrangers qui n’ont pas su créer le cadre économique favorable à l’avènement d’une stabilisation durable. À aucun moment, l’auteur n’évoque la possibilité selon laquelle, aux yeux des dirigeants israéliens, la logique de l’affrontement de basse ou de haute intensité avec disproportion des forces en présence est le meilleur garant de la sécurité d’Israël. Il commet des erreurs chronologiques : les accords du Caire ne datent pas de 1970 mais de 1969 ; plus grave, écrire qu’en « 1982, l’armée israélienne entra au sud du Liban pour y détruire les bases militaires palestiniennes », c’est oublier qu’une première invasion a eu lieu en 1978 et qu’en 1982 l’armée israélienne occupe Beyrouth même ; l’accord de paix entre l’État d’Israël et la République libanaise a été signé le 17 mai 1983, il ne peut donc être mentionné avant l’attentat du 11 novembre 1982... Le double attentat contre des forces américaines et françaises du 23 octobre 1983 est suivi de bombardements de l’aviation française dans la Bekaa, mais d’une abstention américaine malgré l’engagement pris par Reagan : ce fait n’est pas mentionné, encore moins expliqué. Si G. Kepel a raison de souligner que les habitants du sud du fleuve Litani (musulmans comme chrétiens) étaient soulagés de ne plus vivre sous le régime des fedayin palestiniens dans ce qui était appelé à l’époque le Fathland – cela fait partie des nombreux tabous ou impensés de l’historiographie contemporaine en langue arabe –, il paraît exagéré d’écrire que « les soldats de l’État hébreu furent d’abord accueillis en libérateurs » par les chiites. Pourquoi ne pas accorder une ligne aux sévices infligés par des soldats israéliens à des Palestiniens et des Libanais dans la prison de Khiam alors que, pour certains, ces faits sont une anticipation de ceux perpétrés par les grands alliés d’Israël dans la prison irakienne d’Abu Ghraïb ? Rien n’est dit sur le retrait israélien décidé de manière unilatérale en juin 2000, ni sur les opportunités d’une paix entrevue avec la Syrie à l’époque. Arafat est présenté comme ayant « lancé la seconde Intifada » et aucune explication n’est donnée au fait que, malgré des avancées assez considérables sur la question de Jérusalem, le cadre des propositions territoriales de Camp David était en retrait par rapport à celui d’Oslo, sept ans plus tôt. La reprise des négociations à Taba, en janvier 2001, n’est pas même mentionnée. La « construction du mur de séparation » est présentée comme une mesure ayant mis « un terme » aux attentats-suicides, laissant planer une tragique illusion. D’évidence, tant que Gaza restera un camp à ciel ouvert, tant que les colonies juives fleuriront en Cisjordanie, tant que l’armée israélienne continuera à quadriller un territoire occupé et à bombarder régulièrement une population, tant que les responsables politiques ne seront pas résolus à reconnaître un État palestinien viable avec Jérusalem pour double capitale, le Hamas et le Djihad islamique, tout comme le Hezbollah, n’auront aucun mal à recruter des candidats au lancement de roquettes (qui n’ont jamais été arrêtées par un mur) et aux actions-suicides visant des civils (le massacre du 6 mars vient de le rappeler). Ils nourrissent leur propagande de références à un islam intransigeant, c’est un fait, mais le désespoir seul suffirait. Il n’existe d’ailleurs pas de « brigades internationales musulmanes pour la libération d’Al-Quds » (Jérusalem), et G. Kepel ne manque pas de rappeler à plusieurs reprises les critiques adressées publiquement au Hamas par al-Zawahiri au nom d’Al Qa‘ida. Le sentiment d’injustice est encore accru par le non-respect israélien de la plupart des résolutions de l’ONU qui concernent le conflit, par l’engagement indéfectible de la classe politique états-unienne tout entière en faveur d’Israël, engagement qui s’est manifesté de manière ouverte lors de la « guerre des trente-trois jours » à l’été 2006. Dans ce conflit, les États-Unis ne se sont pas contenté de « retarder tout cessez-le-feu », ils ont fourni des munitions en flux constant jusqu’au dernier jour. Mais de cela, G. Kepel ne dit mot, pas plus qu’il n’évoque le poids du lobby pro-israélien à Washington.

L’Europe

L’Europe manifeste-t-elle sa capacité de jouer une autre partition ? La preuve n’a pas encore été faite. Nonobstant les propos des affidés de Rumsfeld sur « l’axe de la trouille » (dirigé par la France) supplétif à « l’axe du mal », les cris alarmistes lancés par Bernard Lewis ou Bat Ye’or sur l’« invasion » démographique des musulmans au nord de la Méditerranée et les prophéties qui font de l’Union européenne un État byzantin à la veille de vivre sa chute, les opinions publiques européennes ont davantage été sensibles aux milliers de victimes du 11 septembre 2001 qu’à celles de tous les conflits du Proche et du Moyen-Orient depuis soixante ans. On peut s’en réjouir ou, au contraire, le regretter, c’est un fait. Le Parlement européen, comme l’écrit Kepel, a demandé la fermeture de Guantanamo en février 2006, soit quatre ans après son ouverture… et six mois avant que George W. Bush ne l’envisage lui-même à la veille d’élections parlementaires sanctionnées par la défaite des Républicains. Les « profondes divergences au sein de la coalition rassemblée derrière les États-Unis » en Afghanistan et l’opposition de la France associée à l’Allemagne dans le cadre de la crise puis de la guerre irakienne n’ont pas empêché leurs soldats d’être engagés aux côtés des troupes états-uniennes sur différents terrains, ni leurs diplomates de s’accorder sur nombre de dossiers. Les motifs de Paris et de Washington qui ont présidé à la rédaction et à l’adoption de la résolution 1559 (septembre 2004) concernant le retrait syrien du Liban et le démantèlement des milices armées (palestiniennes et libanaises) ne sont pas complètement élucidés. Quant au dossier du nucléaire iranien, il fait visiblement l’unanimité entre ces partenaires. À l’inverse, les États-Unis poussent à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, alors que la France et l’Allemagne rechignent à l’y accepter, malgré l’invite britannique… ce n’est pas le moindre des paradoxes quand on sait que le gouvernement turc et la présidence de la République sont dirigés par un parti qui réclame, au nom de l’islam, une autre manière d’appliquer le principe constitutionnel de « laïcité ». Et, contrairement à ce qu’écrit G. Kepel au sujet de l’affaire des « caricatures » (« les narrateurs du Grand Récit de la Guerre contre la Terreur profitèrent de l’occasion pour tenter d’annexer à leur cause les défenseurs de la liberté d’expression, dans une coalition qui rassemblerait de George Bush à Charlie Hebdo contre le fanatisme islamiste »), c’est dans les pays anglo-saxons que le soutien au principe de la liberté de la presse a été le moins ferme. Une association de défense des apostats existe outre-Rhin, mais pas, à notre connaissance, outre-Atlantique. Qu’on ne se méprenne pas, les exemples cités ne visent pas à contester le schéma général développé par G. Kepel pour lui substituer celui d’une alliance islamo-américaine ayant pour cible la vieille Europe continentale (thèse défendue il y a quelques années par un auteur en mal d’audience), mais à le nuancer fortement en prenant soin de distinguer ce qui relève du vœu et ce qui relève de l’établi.

L’enracinement d’une population musulmane en Europe et aux Amériques renforce un phénomène d’ « hybridation permanente » dans l’histoire. Cependant, ce phénomène était davantage conscientisé et accepté, il y a un demi-siècle, par les élites sociales et culturelles des rives sud et est de la Méditerranée qu’aujourd’hui. La tension actuelle est liée au refus de la reconnaissance d’un langage globalement commun, disqualifié parce que soi disant « occidental » alors qu’il est lui-même un hybride composé d’une « majeure » apparue en Europe. Lorsqu’ils le constatent, comme c’est le cas – et l’un des mérites – de G. Kepel, les chercheurs doivent se donner les moyens de décrire ce processus. Ainsi ne faut-il pas traiter de manière quelque peu méprisante une « mixture islamo-gauchiste » avec pour seules références « la Révolution islamique ou Tariq Ramadan ». Il convient, au contraire, d’accorder une attention particulière au rapprochement Ahmadinejad-Chavez, à l’« alliance vert-rouge contre l’Occident entre islamistes chiites et tiers-mondistes », aux slogans anti-libéraux, anti-capitalistes, anti-impérialistes. Il faut se souvenir des liens qui existaient entre Franz Fanon et le clerc chiite Ali Shari‘ati, se rappeler que l’Égyptien Hassan Hanafi revendiquait le combat révolutionnaire de Camillo Torrès, relire la lettre ouverte du Hezbollah de 1985 qui se réclamait du combat des « déshérités » contre les « arrogants », des « opprimés » contre les « oppresseurs ». L’emprunt du « vocabulaire protestataire de l’altermondialisme voire de l’extrême-gauche » est bien une nouveauté dans la phraséologie d’al-Qa‘ida, peu au fait de la « rhétorique aux relents marxistes », mais elle est également le signe d’un processus d’imprégnation qui n’a rien d’inédit dans le discours musulman contemporain puisqu’on en décèle des traces dès la fin du XIXe siècle. De manière analogue, G. Kepel semble sous-estimer la vigueur du sentiment national, et celui de la petite patrie jusqu’à l’échelle du clan (en Syrie par exemple), au profit du seul prisme confessionnel. Ce n’est pas parce que Téhéran a équipé la brigade chiite Badr tout en fournissant des armes à « l’insurrection sunnite » que « la carte chiite » irakienne est désormais « entre les mains d’un régime iranien ». Le fait est encore moins certain pour celle du Hezbollah libanais. Nasrallah, son secrétaire général, sait qu’Ahmadinejad a autant besoin de sa cause que lui de son argent et de ses armes. Le président iranien doit, en effet, affronter les réprimandes de ses adversaires politiques concernant sa stratégie sur le dossier nucléaire, il n’a pu enrayer l’hémorragie causée par l’émigration des élites iraniennes, et il ne peut plus compter sur le seul discrédit d’un clergé enrichi dans les affaires sans que les « déshérités » n’aient bénéficié de cette fortune. Reste donc le corps des Pasdarans, véritable État dans l’État… et l’appel répété à détruire « l’entité sioniste ».

Religions, sociétés et pouvoirs politiques

Le rapport entre religions, sociétés et pouvoirs politiques méritait d’être, sinon traité, du moins envisagé avec plus d’ampleur sans succomber à l’ironie (identifier des « enfants du jihad » qui se dotent d’une société de production à des « fils de pub », ou envisager l’impossibilité de représenter le paradis par « soixante-douze puceaux » pour les « martyres féminines », ne relève pas du meilleur goût dans ce genre d’ouvrage). Il y a une part de pertinence dans l’affirmation selon laquelle les trois monothéismes font « cause commune » contre « l’incroyance », à condition de préciser que cette « alliance objective des clergés contre la laïcité abhorrée » se combine à des manières de transiger avec un cadre laïc pour limiter l’influence d’une confession concurrente. Pour cette raison, G. Kepel aurait dû souligner le fait que le « discours de Ratisbonne » prononcé par Benoît XVI constitue moins une « appropriation théologique du Grand Récit de la Guerre contre la Terreur », que la prolongation d’un combat du catholicisme contre une pensée perçue comme dominante, puisant à la fois dans le siècle de la « Réforme » et celui des « Lumières ». L’incise relative à l’islam révèle une inflexion par rapport à la ligne dialogique qui a prévalu depuis le second Concile du Vatican avec, en arrière-plan, la crainte que l’inégalité de traitement des minorités religieuses suivant les climats juridiques fasse disparaître les dernières communautés chrétiennes d’Orient (l’itinéraire de Paul Khoury, auquel fait référence le pape dans cette leçon, est significatif). Les trois monothéismes, avec des variations d’ampleur et de temporalité, sont traversés par un mouvement d’individualisation du croire associé au large phénomène de sécularisation. À titre d’exemple, les études démographiques les plus récentes invitent à constater que les foyers, quelle que soit leur appartenance confessionnelle, maîtrisent de plus en plus leur fécondité selon des besoins particuliers et non selon des normes enseignées. C’est là un phénomène général, ce qui ne signifie pas qu’il soit absolu ou irréversible. Il touche, avec un temps de retard, les foyers de confession musulmane (G. Kepel devrait d’ailleurs corriger ce qu’il dit au sujet de la « population chiite pléthorique » du Liban, qui n’est en fait pas plus importante que la population sunnite, selon les dernières enquêtes). Ce mouvement est, dans le même temps, associé à une surenchère littéraliste au nom de la défense de l’orthodoxie et de l’orthopraxie. Pour prendre un exemple radical, qu’il suffise de citer le propos du député Shlomo Benizri, membre du Shass, expliquant, en se référant au Talmud, que « l’homosexualité » légitimée par la Knesset est l’une des causes des tremblements de terre ayant récemment frappé Israël. Quasi mot pour mot, il est possible de retrouver l’énoncé d’un tel châtiment à partir d’une lecture du Coran et du Hadith, chez Kawakibi par exemple qui, par ailleurs, dénonçait pourtant le « fondamentalisme ». Mais nous manquons encore d’un véritable travail d’histoire comparée (analogies structurelles et références communes d’un côté, différences de l’autre) des formes d’un intransigeantisme juif, chrétien et musulman.

Raison et prospérité font-ils bon ménage ?

Les « contraintes vertueuses de la prospérité économique » d’une « région eurogolfe autour de l’axe méditerranéen » suffiront-elles à sortir de la crise actuelle ? Il y a, dans la conclusion de G. Kepel, une part d’optimisme à tendance matérialiste. Ce type de « prospérité » a toujours laissé des victimes sur le bas côté. Mais, surtout, la richesse et la santé n’ont jamais été un gage intangible d’usage pertinent de la raison et de ce qui pourrait éventuellement la dépasser. Incontestablement, il existe des phénomènes d’ouverture dans les pétromonarchies, qu’on pense aux initiatives de la Ministre de l’Éducation au Koweit, à l’installation de la Sorbonne à Abu Dhabi, au timide développement des fouilles archéologiques en Arabie saoudite… Ces indices ne suffisent pourtant pas. Les radicalismes de la pensée religieuse coulent de beaux jours parmi des populations juives, chrétiennes (cf. le site virgo-maria.org) et musulmanes, qui ne sont pas plus marginales que déclassées dans le cadre capitaliste contemporain. À l’inverse, l’ignorance entretenue par certains pourfendeurs de « corbeaux » – y compris à l’université – visant à nier la variété et la richesse de la pensée religieuse forgée dans le cadre des monothéismes n’est pas moins problématique. Les sciences humaines ont, en la matière, une carte décisive à jouer. Il y a plus de cinquante ans, à Bagdad comme à Téhéran, des spécialistes du monde entier confrontaient leurs lectures d’Avicenne, convergeant dans la manière de traiter les documents du passé et œuvrant pour que sortent des bibliothèques des trésors de manuscrits en langue arabe oubliés depuis des siècles ; au même moment, un Égyptien de confession musulmane (Ibrahim Madkour), présidait le comité de la Société internationale pour l’étude de la philosophie médiévale. Sommes-nous donc plus bornés que nos aînés (qu’il faut se garder d’idéaliser) ? Des Mahmoud el-Khodeiri et autres Kamel Hussein ont existé hier. Leurs héritiers – à Beyrouth, au Caire, à Damas – attendent des soutiens pour maintenir, aujourd’hui, la possibilité d’une parole libre qui serve à l’intelligence pour professer une foi, en changer… ou ne pas en professer du tout.

par Dominique Avon, le 17 mars 2008

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Pour citer cet article :

Dominique Avon, « L’optimisme volontaire d’un citoyen de l’Eurogolfe », La Vie des idées , 17 mars 2008. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr./L-optimisme-volontaire-d-un-citoyen-de-l-Eurogolfe

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Notes

[1La Découverte, 1984.

[2Esprit, août-septembre 2001, voir les huit contributions du dossier intitulé «  À la recherche du monde musulman  », p. 78-208.

[3Gilles KEPEL, Al-Qa ‘ida dans le texte, Paris, P.U.F., «  Proche-Orient  », 2005, 440 p

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