Comment peut-on être sceptique ? S. Marchand montre qu’il est possible de vivre en doutant de tout, et que le scepticisme peut rester cohérent tout en échappant aux objections qui lui sont adressées depuis le fond des âges.
À propos de : Stéphane Marchand, Le scepticisme. Vivre sans opinions, Vrin
Comment peut-on être sceptique ? S. Marchand montre qu’il est possible de vivre en doutant de tout, et que le scepticisme peut rester cohérent tout en échappant aux objections qui lui sont adressées depuis le fond des âges.
Selon une longue tradition, le scepticisme n’est pas une doctrine sérieuse, à tel point que nous pouvons nous demander s’il a jamais existé de vrais sceptiques. Le sceptique affirmerait que tout est incertain, et qu’il faut, par conséquent, douter de tout. Quitte à tomber dans l’incohérence : si le sceptique affirme péremptoirement qu’il doute, alors, comme l’écrivait Montaigne, « on les tient, incontinent à la gorge, pour leur faire avouer qu’au moins assurent et savent-ils cela, qu’ils doutent » [1]. Faut-il ajouter à cela les charges d’Arnaud et Nicole, auteurs de la Logique de Port-Royal, qui estimaient que les sceptiques étaient une secte de menteurs [2] ? En effet, douter de l’évidence, c’est parler contre son cœur ; c’est ne pas être persuadé par ce que nous disons lorsque nous doutons de la réalité du monde extérieur ou de truismes tels que « le tout est plus grand que la partie ». Faut-il également parachever ce piètre portrait par celui de Pyrrhon d’Élis qui, selon certains témoignages [3], n’évitait aucun danger par indifférence aux choses, pas même les chiens enragés ou les précipices ? Le fait même que Pyrrhon devait toujours se faire accompagner pour pouvoir survivre montrerait que son scepticisme n’était pas viable sur le plan pratique.
Le scepticisme serait donc une philosophie de mauvaise foi, non seulement incohérente du point de vue théorique, mais aussi impraticable dans le domaine de la vie quotidienne. Cependant, de telles critiques sont-elles fondées ? Ne passent-elles pas à côté de l’essentiel de la sagesse sceptique ? À rebours de cette tradition, l’ouvrage de Stéphane Marchand démontre qu’il peut exister une philosophie sceptique cohérente qui échappe aux objections qui lui sont habituellement adressées.
L’enjeu principal est d’éviter le « sophisme de l’épouvantail », c’est-à-dire caricaturer une thèse pour ensuite mieux la réfuter. Pour cela, il faut revenir aux origines antiques du scepticisme afin de comprendre précisément le sens et la portée des arguments sceptiques. L’ouvrage est donc avant tout une initiation à la pensée sceptique. Sa présentation chronologique met autant en valeur les points communs que les différences entre les philosophes sceptiques. Mais l’ouvrage vise également à faire le point sur les débats actuels qui portent sur l’interprétation des différentes sources du scepticisme antique. Or, la principale difficulté d’interprétation vient d’abord de la multiplicité des démarches sceptiques qui nous sont parvenues via les principales sources antiques. Comme l’écrit l’auteur, « le scepticisme n’est pas seulement un problème philosophique, mais aussi un problème historique » (p. 13).
En effet, on distingue principalement deux mouvements qui évoluent avec plus ou moins d’influence réciproque : le premier évolue sur cinq siècles et s’est formé à partir de la figure fondatrice de Pyrrhon d’Élis. Le vocable « pyrrhonisme » se réfère aux paroles et gestes de Pyrrhon qui ont été théorisés par son élève Timon de Phlionte. Cette première voie a ensuite été reprise par Énésidème et Sextus Empiricus. La particularité de ce premier mouvement est qu’il n’a pas constitué une école, au sens que peut avoir ce terme dans l’Antiquité, même si tous se définissent en rapport avec la sagesse enseignée par Pyrrhon. Toutefois, si le terme « pyrrhonien » est souvent un autre nom pour qualifier un sceptique, tout sceptique n’est pas nécessairement pyrrhonien. Le deuxième mouvement sceptique, que l’on nomme la nouvelle Académie, se situe dans la lignée directe de Socrate et de Platon. Contrairement au pyrrhonisme, la nouvelle Académie se développe au sein de l’école la plus célèbre de l’Antiquité. Or c’est à partir d’Arcésilas, nouveau chef de l’école, que débute le tournant sceptique de l’Académie, et se poursuit par la succession des nouveaux chefs tels que Carnéade, Clitomaque ou Philon de Larissa. La tradition académicienne se constitue principalement contre d’autres écoles, épicuriennes ou stoïciennes, qui sont dites « dogmatiques » par leur prétention à pouvoir identifier un bien ou un mal par nature, à décider de la vérité d’une opinion avec certitude. Une pratique argumentative, inspirée de la démarche socratique de l’opposition d’arguments et de la réfutation des thèses adverses, est réactivée par une école qui préserve les textes de Platon d’une lecture dogmatique.
La distinction entre ces deux mouvements sceptiques est une question topique dans toutes les présentations classiques du scepticisme [4]. Toutefois, il y a bien un projet commun qui les unit : selon Sextus Empiricus (Esquisses pyrrhoniennes, I, 25-30), tous les sceptiques sont d’accord pour considérer que la philosophie est une recherche de la tranquillité en matière d’opinions et de modération des affects. Or, le dogmatisme, en prétendant nous donner une connaissance certaine de la nature des choses, est la cause de nos troubles : nous nous attachons à des choses dont la nature est en réalité incertaine. Par conséquent, pour parvenir à la fin recherchée, il faut rejeter le dogmatisme. La pratique philosophique des sceptiques vise à détruire les erreurs des dogmatiques sans nécessairement bâtir de nouvelles thèses : la voie sceptique est avant tout critique. C’est en reprenant à la lettre les termes de leurs opposants que les sceptiques argumentent.
L’unité des sceptiques est également méthodologique : afin de produire des apories conduisant les dogmatiques à la suspension du jugement, les sceptiques ont recours au principe d’isosthénie : à tout argument peut s’opposer un autre argument de force égale. Or, en l’absence d’un critère pour trancher entre ces arguments, mieux vaut suspendre son jugement plutôt que de s’emporter dans des illusions. Par cette suspension, les sceptiques espèrent ainsi obtenir la tranquillité recherchée.
La critique de l’optimisme gnoséologique selon lequel nous pouvons connaître la vérité avec certitude n’est pas propre à la philosophie sceptique. Par exemple, la démarche de Démocrite (De la nature, LM 27) n’est pas exempte d’une pratique du doute lorsqu’il critique la connaissance des qualités sensibles. Néanmoins, cette critique était plus un point de départ pour laisser place à la constitution d’une science de la nature. Or, l’auteur remarque que la pensée sceptique se caractérise par un renversement des priorités :
[…] nous n’entrons réellement dans la pensée sceptique qu’une fois que les priorités se trouvent renversées, la remise en cause de la connaissance n’étant plus ni l’arrière-plan, ni le moyen, mais bien le but de la pratique philosophique. Faire de la remise en cause de la connaissance et du jugement de vérité la finalité du discours philosophique, voilà ce qui définit peut-être le mieux, en première approche, les différentes sortes de sceptiques. (p. 23).
Cette inversion constitue une nouvelle façon de faire de la philosophie : le sceptique n’est pas indifférent vis-à-vis du savoir. Il est animé au contraire d’une prudence extrême, si grande qu’elle conduit à ne plus rien affirmer de peur de se tromper. Cependant, en affirmant que tout est incertain, le sceptique n’est-il pas au moins certain de cette affirmation ? Telle est l’objection dite du « dogmatisme négatif » qui structure les développements de l’histoire du scepticisme. Selon l’académicien Arcésilas, il ne s’agit pas d’affirmer péremptoirement que la vérité est inconnaissable et inaccessible, mais de provoquer la suspension du jugement face aux thèses qui se présenteraient comme vraies. Or, comme le souligne l’auteur, une telle critique suppose une nouvelle manière d’argumenter : car écrire, soutenir des thèses, discuter et réfuter d’autres thèses, tirer des conclusions etc., n’est-ce pas reconnaître la validité du modèle de rationalité qui est critiqué (p. 24) ? Si les sceptiques se divisent sur cette question, tous admettent qu’il est nécessaire de rompre avec une certaine pratique de la philosophie.
Une première rupture a lieu dans le rapport que les pyrrhoniens entretiennent avec le langage (p. 119-121). Le problème a bien été résumé par Montaigne : « Je vois les philosophes Pyrrhoniens qui ne peuvent exprimer leur générale conception en aucune manière de parler : car il leur faudrait un nouveau langage » (op. cit., p. 287). En effet, le langage est d’essence dogmatique : toute proposition s’engage dans une description d’un état du monde, une manière dont sont les choses dans la réalité. L’exigence de se prémunir contre l’erreur suppose de redéfinir la nature assertive du langage. Or, les paroles des Pyrrhoniens, contrairement à celle des Académiciens, ne décrivent que la manière dont les choses nous apparaissent subjectivement, et ce sans soutenir d’opinions à propos de la nature des choses. Au lieu de dire « ceci est ou n’est pas », le sceptique reformule en énonçant « ceci m’apparaît ou ne m’apparaît pas ». Tout énoncé sceptique n’est donc que le compte rendu de ses propres états subjectifs et se réinterprète dans le cadre d’une suspension du jugement.
La deuxième rupture se produit dans un nouveau rapport à l’argumentation : les arguments employés par le sceptique ne visent plus à découvrir la vérité ou décrire une réalité objective, mais possèdent un usage avant tout dialectique. Le langage sceptique ne décrit pas des relations entre les mots et les choses, mais des relations entre les mots, entre des arguments qui s’opposent à d’autres arguments. Les méthodes développées par deux figures aussi différentes qu’Arcésilas ou Énésidème ne consistent pas à affirmer dogmatiquement que les choses sont incompréhensibles, mais cherchent plutôt à produire des apories sur des objets théoriques. D’où l’importance de l’usage des « tropes » sceptiques, surtout dans la tradition pyrrhonienne, c’est-à-dire des outils théoriques qui constituent une matrice dialectique mobilisable contre une théorie particulière. N’importe quelle thèse dogmatique peut ainsi être renversée grâce à ces tropes. L’argumentation sceptique n’a donc pas pour but d’établir la vérité d’une proposition mais cherche à en établir une réfutation.
Pour comprendre cette fonction strictement réfutative de l’argumentation, l’auteur la rapproche du modèle médical en insistant sur sa fonction psychologique (p. 174-177) : le but du médecin n’est pas de produire un discours vrai au sujet de la maladie, mais de guérir le patient. De même, le but du sceptique est de nous guérir des maladies qui nous empêchent de parvenir à la vie bonne. La question de la vérité devient alors secondaire lorsqu’il faut soigner le mal que représente le dogmatisme. En effet, la précipitation des affects pousse le dogmatique à affirmer plus que ce qu’il peut véritablement démontrer. Il s’attache à ses opinions comme si elles reflétaient la véritable nature des choses. Or, tout comme le médecin utilise des substances pour rétablir l’équilibre des humeurs, les remèdes sceptiques sont des arguments destinés à produire la suspension du jugement et rétablir ainsi l’équilibre dans les opinions du dogmatique. Le philosophe sceptique se tient ainsi à distance de la vérité d’un argument pour en faire un usage strictement persuasif.
Dès lors, la suspension du jugement est-elle la thèse du scepticisme ? Si c’était le cas, ce serait encore soutenir une thèse dont nous sommes certains, ce qui serait à nouveau un geste dogmatique. Selon Sextus Empiricus, la suspension du jugement n’est pas une thèse propre au scepticisme : elle est avant tout le point d’aboutissement d’une philosophie dogmatique qui recherche la vérité pour répondre aux troubles de l’âme. Mais cette quête de la vérité s’étant avérée impossible, il serait plus sage d’y renoncer. Or, au moment même où il abandonne sa quête, le philosophe dogmatique obtient ce qu’il recherchait, à savoir la tranquillité en matière d’opinions et d’affects. Selon l’auteur, le sceptique ne fait que suivre une « éthique du renoncement » qui caractérise cet abandon radical des promesses du dogmatisme (p. 166-168). Cette idée est illustrée par l’image célèbre du peintre Apelle qui, n’arrivant pas à imiter l’écume sortant de la bouche du cheval, jeta l’éponge sur son tableau et produisit l’écume du cheval qu’il cherchait à imiter (Esquisses pyrrhoniennes, I, 28-29). Par conséquent, le scepticisme se construit sur les ruines des thèses dogmatiques : la suspension du jugement n’est jamais qu’une conséquence de l’échec du dogmatisme à fonder un art de vivre. Et comme il n’y a pas de méthode pour atteindre la fin recherchée, la tranquillité de l’âme ne sera que fortuite. Par cette stratégie, le sceptique est assuré de ne jamais défendre des thèses, mais tire plutôt les conséquences des échecs d’un itinéraire intellectuel.
Cette critique radicale de la connaissance a conduit plusieurs détracteurs à formuler l’objection suivante : puisque le sceptique considère qu’il doit suspendre son jugement à propos de toute proposition et vivre sans opinions, ne doit-il pas être conduit à l’inactivité ? La voie sceptique n’est-elle pas alors incompatible avec les exigences de la vie, puisque pour vivre il faut agir ? Personne n’aurait alors intérêt à suivre une philosophie qui nous enjoindrait de rester inactif. Selon l’auteur, l’objection de l’apraxie – l’idée que le sceptique ne peut pas agir – est importante pour comprendre l’évolution et les divergences de chacune des voies sceptiques, car elle implique de redéfinir les limites du doute. Jusqu’où faut-il porter la suspension de l’assentiment (p. 81) ?
Les Académiciens ont choisi de limiter la portée de leurs doutes en introduisant la notion de connaissance probable. La figure de Carnéade est ici centrale : sans remettre en cause l’idée qu’une expérience subjective d’un phénomène ne peut pas être un critère de vérité, il admet que certaines impressions que nous recevons des objets comportent bien des différences entre elles. Certaines sont plausibles, d’autres le sont moins. Même si ces impressions peuvent nous tromper, elles n’en sont pas moins un guide pour une action réalisée dans un contexte d’incertitude cognitive. Ce qui n’est pas un critère de vérité devient ainsi critère d’action passant du vrai au vraisemblable. Par conséquent, si l’Académicien ne peut pas statuer sur le vrai, il pourra toutefois agir conformément aux exigences de la vie pratique.
La solution pyrrhonienne diffère radicalement : Sextus Empiricus estime que le critère d’action des Académiciens est, in fine, un critère de vérité, ce qui contredit au principe de la suspension du jugement (Adversus Mathematicos, VII, 179). En effet, établir la fiabilité des impressions, même dans un but pratique, n’est pas différent du processus qui consiste à établir la possibilité de la connaissance. La voie pyrrhonienne se propose ainsi de ne rien céder du point de vue de la connaissance, tout en se tenant strictement aux phénomènes pour guider leur action. Or, vivre sans opinions et selon les phénomènes consiste à suivre quatre règles tirées de notre vie quotidienne (Esquisses pyrrhoniennes, I, 23-24) : 1) agir selon la conduite de notre nature sensible et intellectuelle ; 2) agir selon la nécessité des affects qui nous poussent à désirer des biens nécessaires pour notre survie ; 3) agir selon la tradition des lois et des coutumes qui nous sont imposées par la vie en société ; 4) agir selon l’apprentissage des arts qui augmentent notre maîtrise de la nature et nous fait accéder à la culture. Chacune de ces quatre règles sont commentées par l’auteur, mais la difficulté que pose la troisième fait l’objet d’un traitement plus particulier (p. 190-193) : faire de la tradition des lois et des coutumes le guide de notre vie peut sembler extrêmement conformiste, voire dangereux : le sceptique pyrrhonien ne nous enjoindrait-il pas de suivre les lois instituées par un tyran ou des coutumes moralement condamnables ? En s’inspirant de Sextus Empiricus (Contre les moralistes, XI, 162-166), l’auteur propose une solution qu’il qualifie de « pragmatique » : toute décision est inscrite dans un contexte de normes déjà instituées et doit s’appuyer sur ce qui nous apparaît à un moment donné. Si agir suppose d’imiter des modèles d’action qui ont fait leurs preuves par le passé, cela n’implique pas que toute loi mérite d’être suivie simplement parce que c’est la loi. Une loi qui ne ferait plus ses preuves ne mériterait plus d’être suivie. Une délibération sur la légitimité d’une loi peut donc avoir lieu sans se fonder sur une règle universelle d’action, mais à partir d’une réflexion contextualisée et conduite au cas par cas.
Après les deux grands mouvements sceptiques de l’antiquité, qu’en reste-t-il dans l’histoire de la pensée ? Leur premier destin sera d’abord l’anonymat : selon Richard Popkin, le scepticisme ressemble à une lettre anonyme que le philosophe dogmatique recevrait et qui le sommerait de lui demander d’établir le fondement de ses assertions [5]. Le projet d’une vie sans opinions disparaît ainsi derrière des arguments qui deviennent des problèmes méthodologiques pour philosophes dogmatiques. Le scepticisme n’est plus qu’un nom générique permettant de poser un problème philosophique sans mentionner les auteurs qui l’auraient posé. Le mérite de l’ouvrage de Stéphane Marchand est d’abord d’avoir levé l’anonymat des principaux sceptiques Pyrrhoniens ou Académiciens. Mais il a aussi montré la complexité des arguments sceptiques qui sont souvent réfutés rapidement à cause du détachement de leur contexte théorique. Loin d’être une philosophie dénuée d’intérêt, l’auteur rappelle la pertinence des sceptiques dans la modernité scientifique (p. 214) : si le progrès scientifique a infligé une sérieuse entorse à l’idée que nous ne pouvons rien connaître, le scepticisme a aussi pu faire progresser la science, notamment par son renoncement à connaître une vérité définitive, ainsi que par sa volonté de s’en tenir aux strictes bornes de l’expérience.
Nous pouvons en revanche constater certaines ambiguïtés du livre lorsqu’il s’agit d’évoquer le rapport des sceptiques avec la vérité : dans un passage (p. 176), l’auteur considère que la pratique dialectique de l’opposition d’arguments n’est pas compatible avec la recherche de la vérité. Ce qui est recherché par le sceptique est la suspension du jugement qui permettra la tranquillité. La production systématique de la suspension du jugement bloque tout accès au vrai et contredit ainsi l’image d’un « chercheur » qui serait animé par le désir de découvrir la vérité. Si la lecture « anti-rationaliste » de l’auteur se fonde sur des déclarations explicites de Sextus Empiricus, il a aussi conscience que la pratique argumentative des sceptiques suppose une obéissance aux règles de la raison [6] : s’il y a suspension du jugement, ce n’est pas parce que nous sommes indécis face à deux raisons d’égales valeur, mais parce qu’il est rationnel de ne pas faire de choix arbitraire. Le sceptique possède au moins le désir et la faculté de reconnaître la validité d’un argument pour produire la suspension du jugement : une certaine vérité logique y est recherchée. Il est donc discutable d’affirmer que le sceptique n’est pas à la recherche de la vérité, puisqu’il reconnaît bien certains principes de la raison pour déceler les contradictions du dogmatique.
Outre ce point délicat d’interprétation, la monographie de Stéphane Marchand intéressera non seulement les historiens de la philosophie antique, les chercheurs en épistémologie et en éthique, mais aussi le public cultivé grâce à sa présentation claire et pédagogique.
par , le 7 novembre 2018
Dimitri Cunty, « Le doute a ses raisons », La Vie des idées , 7 novembre 2018. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr./Le-doute-a-ses-raisons
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[1] Montaigne, Essai II, « Apologie de Raymond Sebond », chap. XII, édition Emmanuel Naya et al. Gallimard, 2009, p. 287.
[2] Arnaud et Nicole, La Logique ou l’art de penser, premier discours, Vrin, 1993, p. 19.
[3] Diogène Laërce, Vies et doctrines des philosophes illustres, IX, 62.
[4] Voir notamment Aulu-Gelle dans Nuits Attiques, XI.
[5] Richard Popkin, Art. « Skepticism », (1967), The Encyclopedia of Philosophy, Paul Edward (ed.), Macmillan publ. & the Free Press, New York-London, repr. 1972, vols. 7-8, 449-461.
[6] C. Perin, The Demands of Reason : an Essay of Pyrrhonian Scepticism, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 31-32, chap. 2.