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Recension Histoire

Tableau des humanités médicales

À propos de : B. Fantini et L. L. Lambrichs (dir.), Histoire de la pensée médicale contemporaine – évolutions, découvertes, controverses, Seuil


par Marie Gaille , le 17 septembre 2014


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La médecine n’est pas seulement l’affaire des médecins et ne peut être considérée uniquement comme une science. Tel est le parti pris de ce dictionnaire de la pensée médicale qui fait une large place à toutes les disciplines impliquées par la santé et le soin.

Recensé : Histoire de la pensée médicale contemporaine – évolutions, découvertes, controverses, (dir.) B. Fantini et L. L. Lambrichs, Paris, Le Seuil, 2014, 531 p.

Ce n’est pas sans une certaine émotion que l’on ouvre cette Histoire de la pensée médicale contemporaine. En effet, ce volume, sans mauvais jeu de mots, a lui-même une histoire. Il fait suite aux trois tomes de L’Histoire de la pensée médicale en Occident : Antiquité et Moyen Âge (tome 1), De la Renaissance aux Lumières (tome 2), et Du romantisme à la science moderne (tome 3), publiés respectivement en 1995, 1997 et 1999. Ils ont été dirigés par Mirko D. Grmek (1924-2000), médecin, psychiatre puis historien de la médecine, originaire de Croatie et venu s’installer en France au début des années 1960. Ces trois volumes constituent d’incontestables ouvrages de référence pour qui s’intéresse à l’histoire de l’art médical, du savoir qui le sous-tend, des pratiques, des instruments, des organisations collectives du soin, sans négliger le rapport de chacun à la santé, à la vie et à la mort. Ils constituent d’indispensables outils de travail pour l’historien, mais aussi pour le philosophe de la médecine. Au-delà du contenu qu’ils recèlent, les différents chapitres de ces trois volumes sont très souvent autant de textes également importants pour leur méthodologie, leur style d’écriture, leurs options théoriques et leurs modes d’approches de la médecine.

Une infidèle fidélité à l’esprit des volumes dirigés par M. D. Grmek

L’émotion se mue en interrogation : va-t-on retrouver, dans ce volume consacré à la pensée contemporaine, le même regard sur la médecine et une somme de savoir aussi ordonné et exhaustif que possible compte tenu des archives disponibles, que dans les précédents volumes ? Il va de soi qu’un tel espoir ne peut être que déçu. La filiation à l’entreprise dirigée par M. D. Grmek est certes revendiquée. Comme les autres ouvrages, cet ouvrage est centré sur la pensée médicale occidentale (Avant-propos, p. 7). Il s’en inspire aussi quant aux objets traités : la conception des pathologies, des liens entre différents maladies, la vision du corps humain, les innovations techniques, les pratiques de soin, la dimension « individuelle et collective » (Avant-propos, p. 8) de la maladie sont au cœur du propos. Enfin, parmi les cadres théoriques et concepts fondamentaux exposés en première partie figure un texte de M. D. Grmek lui-même, « testament scientifique de l’historien des sciences biomédicales et des malades » (p. 43, note 1) : « La troisième révolution scientifique », publié pour la première fois en 1999 dans la Revue médicale de la Suisse romande. D’un point de vue formel, enfin, le présent ouvrage se compose comme les précédents d’une série d’articles écrits par différentes plumes.

Cependant, l’ouvrage ne prétend pas reconduire à l’identique l’esprit des volumes précédents. Il s’intéresse davantage aux « créations conceptuelles » (telles que pathocénose, bioéthique, biomédecine, etc.) qu’à l’« histoire » de la médecine proprement dite. Par ailleurs, il s’attache de façon singulière à mettre en avant les différentes disciplines qui s’intéressent à la médecine, que ce soit des champs issus des sciences humaines et sociales ou des sciences dites « dures ». Son point de départ est le constat que « toutes les disciplines académiques s’occupent aujourd’hui de la maladie, de la santé et de la médecine » (Avant-propos, p. 7). Ce propos reprend à son compte l’observation faite à de nombreuses reprises depuis les années 1970, notamment véhiculée dans le discours « bioéthique », selon laquelle le sort des malades et la décision prise à leur propos sont apparues relever autant du patient lui-même, de sa famille, de ses proches, des cours de justice, voire de la société dans son ensemble, que du seul médecin. Dans cette perspective, l’ouvrage met en valeur les disciplines qui contribuent à formaliser la réflexion éthique au chevet du patient, mais aussi celles qui, conjointement à la médecine, contribuent au développement du savoir médical, comme la géographie de la santé, branche ou spécialité de la discipline géographique qui travaille, souvent de concert avec des épidémiologistes et des médecins, à cartographier l’émergence et la diffusion de pathologies, l’accès aux soins, etc. Dans cette optique, aux marges des disciplines académiques, une place non négligeable est également accordée à la psychanalyse.

On peut lire dans ce témoignage délibéré d’une multiplicité d’approches de la pensée médicale et des pratiques ou innovations technologiques qui leur sont liées, un parti-pris assumé : la médecine est peut-être une science, mais ne peut en aucun cas être décrite uniquement comme telle ; son analyse exige une « recherche par définition pluridisciplinaire » (Avant-propos, p. 8) ; on ne peut négliger, pour l’appréhender, le fait qu’elle recèle un champ de controverses d’intérêt universel, « qui concerne tout un chacun, de la naissance à la mort » (Avant-propos, p. 8). Ce point de vue traverse les 3 tomes dirigés par M. D. Grmek, mais dans le présent volume, il acquiert une tonalité particulière, qui pourrait rendre certains esprits positivistes chagrins. Ce parti-pris est patent dans les deux derniers chapitres, le chapitre 25 consacré à « l’interface entre art et médecine » et le chapitre 26, sorte d’envoi conclusif, écrit par L. L. Lambrichs : « La médecine occidentale en quête d’humanité(s) », dans lequel la signification de cette relation art/médecine devient explicite. Dans ce dernier chapitre, la promotion d’une recherche nécessairement pluridisciplinaire sur la pensée médicale est exprimée au profit des sciences humaines, contre une vision de la médecine comme objet d’un discours exclusivement médical et scientifique. L. L. Lambrichs y commente l’émergence, depuis les années 1970, des humanités médicales (« medical humanities ») dans la formation des médecins au sein de différents pays. Les humanités médicales plongent leurs racines dans la vision de la médecine comme science sociale développée par R. Virchow (1821-1902). Elles opposent selon l’auteur une critique salutaire à une médecine qui prétendrait n’être rien d’autre qu’un discours scientifique fondé sur la preuve (« evidence based médicine ») : les humanités médicales « semblent poser ou reposer la question, au-delà du champ médical proprement dit, de savoir comment, aujourd’hui, penser ce qu’est un être humain – question qui, en effet, intéresse au premier chef les médecins supposer les soigner » (p. 464). Dans cette perspective, elles apparaissent constituer une source de « résistance à la normalisation biomédicale » (p. 467), notamment à travers « la médecine narrative », un mouvement qui décrit les récits et les créations littéraires sur l’expérience de la maladie. Ceux-ci sont destinés à « humaniser » des pratiques médicales soupçonnées de faire fi du sens de la maladie qui affecte la personne et de se dévoyer dans un usage irréfléchi des connaissances et des technologies disponibles.

Enjeux, concepts, question, disciplines et spécialités

Les différents chapitres qui composent l’ouvrage sont réunis dans 5 parties distinctes. Outre la première, déjà mentionnée, « Cadres théoriques et concepts fondamentaux », l’ouvrage nous conduit à nous interroger, dans un second temps, sur les évolutions du savoir médical (« Avancées ? Innovations et inventions »), puis à nous intéresser à « La réalité pathologique : la distribution géographique, économique et sociale des maladies ». La quatrième partie est consacrée aux « techniques au service de l’activité diagnostique, des stratégies thérapeutiques et de la recherche », tandis que la cinquième, conclusive, comporte, outre les chapitres 25 et 26 pré-cités, une étude consacrée aux différentes manières de faire de l’histoire de la médecine à l’époque contemporaine. L’ensemble est complété par une bibliographie générale et un index des noms propres, qui facilitent l’usage des références mentionnées dans les différentes études, et la circulation dans l’ouvrage.

La première partie s’ouvre sur une présentation des conceptions de la santé et de la maladie les plus diffusées en Europe occidentale (R. A. Ankeny). Elle rend ensuite accessible un débat fondamental sur la causalité en médecine, structurant la réflexion épidémiologique (R. Campaner). Qu’est-ce qui « cause » les maladies ? Sont-ce des agents infectieux qui se propagent par contagion ? Est-ce un environnement néfaste à l’organisme humain – des miasmes que l’on respire à l’eau que l’on boit ? Sont-ce nos gènes, par transmission héréditaire ou malchance d’une combinaison dans notre ADN qui donne lieu à une anomalie ? Pourquoi un agent pathogène touche un individu ou un groupe de population et pas un autre ? Comment établit-on la preuve de la relation entre un tel agent et la pathologie ? Après avoir lu le jugement proposé par M. D. Grmek sur la « situation historique de la science (médicale) actuelle » (p. 43) – dont l’auteur souligne qu’il est énoncé « en allant aux limites » (ibid.) de sa profession d’historien des sciences et sur un mode hypothétique, le lecteur est plongé de façon très instructive dans l’histoire de la génétique médicale et des relations entre médecine et darwinisme, relation qu’il ne faut surtout pas réduire à une histoire de l’eugénisme, la question de la causalité des maladies sur le temps long étant au centre du propos (chapitres 3 et 4, respectivement de G. Lambert et F. Zampieri). L’étude qui conclut cette partie, signée par L. L. Lambrichs, pose une première pierre à l’édifice des humanités médicales et de leur critique d’une médecine qui se veut seulement une science fondée sur la preuve : elle porte sur les implications de la pensée freudienne pour les pratiques et la théorie médicales. La relation entre psyché et somma, les catégories de « normal » et de « pathologique », le sens du soin et la position du médecin par rapport au patient, sont revisitées à la lumière de la psychanalyse et débouchent sur la proposition d’une alliance entre médecin et analyste (p. 106).

La seconde partie interroge de façon dynamique et variée l’idée même d’avancées dans le domaine médical. La contribution de J. Duffin sur « les avancées médicales au XXe siècle et le prix Nobel » passe en revue de façon critique les prix Nobel de médecine attribués au cours du XXe siècle. Celle de P. Keating et A. Cambrosio analyse l’émergence de la « biomédecine » et les raisons du succès de la biologie de laboratoire. Ce succès n’est pas sans ombre, comme le souligne l’étude suivante signée par T. Moreira et P. Palladino, où la biogérontologie est envisagée comme une critique du modèle explicatif de la santé et de la maladie recelée par la biomédecine. Dans l’une et l’autre études, la dimension épistémologique n’est pas dissociée des conditions institutionnelles et des implications politico-sociales de tel ou tel modèle médical : financement de la science, orientations de celles-ci dans ses choix d’objet, conceptions de la cause des maladies, manières de les soigner et organisation politique de l’accès aux soins ont partie lié. On voit ainsi qu’une société ne prend pas soin de ses personnes âgées de la même manière si elle envisage le vieillissement comme une pathologie à part entière, si elle distingue certaines formes « normales » et d’autres « pathologiques du vieillissement, etc. C. Gabbani propose ensuite un examen du rôle joué par le cas clinique singulier comme facteur de la connaissance médicale, qui aurait pu tout autant figurer dans la première partie. Il ne se contente pas de reconduire, dans une variation propre à l’époque contemporaine, la question hippocratique de la relation entre cas singulier et généralité du savoir médical. Comme L. Lambrichs précédemment, il contribue au parti-pris en faveur des humanités médicales en associant ce questionnement, d’abord strictement épistémologique, à une réflexion sur ce qu’est une médecine centrée sur le patient (p. 191). Ce faisant, il ouvre la voie à l’étude suivante de B. Fantini, consacré aux émotions normales et pathologiques et à leur rôle dans la relation thérapeutique. Parmi les « avancées », figure la « bioéthique entre histoire et problèmes », abordée dans l’étude conclusive de cette partie (F. Rufo). En apparence inattendue dans une telle partie, son positionnement s’inscrit en réalité en parfaite cohérence avec le parti-pris de l’ouvrage, qui place au centre du questionnement sur la médecine une réflexion anthropologique et éthique sur le sens de la maladie et du soin médical.

La troisième partie confronte le lecteur aux différentes dimensions collectives de la médecine. Par là, il faut entendre des réalités très diverses. Après avoir eu un aperçu des implications épistémologiques de la connaissance des cas singuliers dans la partie précédente, ce lecteur apprend à connaître « la dimension populationnelle de la médecine » (A. Morabia) : démographie médicale, usages des statistiques, mise en place des essais randomisés, émergence de la médecine fondée sur les preuves, développement de l’épidémiologie comme « discipline scientifique qui utilise principalement les études comparatives de population pour rechercher les causes des maladies et évaluer la performance de leurs dépistages ou de leurs traitements » (p. 247). Ces différents aspects donnent lieu à une véritable médecine mathématisée, mathématique ne signifiant pas toujours grand nombre : « la pensée médicale a besoin d’être individuelle et populationnelle » (p. 254).

L’étude suivante, signée par J. Coste, sur « les maladies dominantes au XXe siècle », illustre la démarche épidémiologique et propose une mise en perspective historique de l’évolution des pathologies les plus fréquentes, létales à court ou moyen terme, ou chroniques. D’une certaine manière, cette étude forme un diptyque avec celle de B. Fantini consacrée, dans cette même partie, à une histoire des « maladies émergentes ». Celle-ci souligne, si besoin était, l’historicité des pathologies et la pertinence du concept de « pathocénose » forgé par M. D. Grmek en 1969 (« Préliminaires d’une étude historique des maladies », Annales, 24, pp. 1473-1483) et repris dans son Histoire du sida (1989). Cette notion indique que la nouveauté des maladies est toute relative et qu’il faut plutôt comprendre l’émergence d’une maladie comme rendue possible par la disparition ou la raréfaction d’autres pathologies. L’étude « Géographie, santé et pathocénose » (G. Salem, S. Rican et Z. Vaillant) montre comment la discipline géographique a su reprendre à son compte cette notion pour en étudier la portée une fois pris en compte l’espace et ses variations du point de vue médical. « Space matters » (p. 288) en Europe comme au-delà ! Dans cette partie, la notion d’espace inclut les constructions socio-territoriales de la santé, comme le souligne de son côté l’analyse des « systèmes de santé : l’économie politique de la santé au XXe siècle » proposée par G. Berlinguer. La santé publique est de ce fait traversée par une réflexion sur la justice ou la solidarité. Bien que l’ouvrage soit centré sur la pensée médicale occidentale, il ne néglige pas le « processus de globalisation » (Avant-propos, p. 7) et lui consacre une étude : « Les effets de la globalisation sur la santé individuelle et collective » (J. Sundin), qui implique la circulation des épidémies, des théories médicales et des patients aisés en quête de soin à travers le monde.

La quatrième partie aborde une question attendue et fréquemment traitée au sujet de la médecine contemporaine, celle des techniques, pharmacopées et stratégies pour établir le diagnostic et la thérapie appropriés. La part belle est faite aux technologies d’examen du corps, dans « Le corps exploré » (B. Holtzmann Kevles) ; mais le corps n’est pas seulement mis en image, il fait également l’objet d’opérations chirurgicales qui ont bénéficié de significatives évolutions techniques, comme l’indique T. Schlich dans « Les technologies du contrôle : l’histoire récente de la chirurgie ». « Informatique médicale et médecine informatisée », de F. Dhombres, témoigne également des objets et des effets de l’informatisation, en particulier dans le monde hospitalier. Enfin, le médicament fait l’objet d’une double réflexion dans cette avant-dernière section de l’ouvrage : d’une part, générale et orientée par la question des critères de mise sur le marché – « La pharmacodynamie : objectifs, questionnements et mise en perspective » (Fr. Dagognet) ; d’autre part, de façon ciblée, à propos des traitements psychiatriques – « Les différentes approches thérapeutiques des pathologies mentales » (A. Contini). Celui-ci aborde l’un des débats les plus virulents de notre époque, au moins dans certaines Etats occidentaux, entre approches psychanalytiques du mal-être, approche comportementale, et psychiatrie médicamenteuse de la « maladie mentale ». La question demeure de savoir si l’on soigne « le sujet » en soignant ses organes, et plus spécialement son cerveau. Telle qu’elle est abordée ici, elle fait écho et prolonge l’excellente contribution de G. Lanteri-Laura au volume 3 de L’Histoire de la pensée médicale sur le psychisme et le cerveau.

Le salut de la médecine se trouve-t-il dans les humanités médicales ?

L’ouvrage, conclu par une dernière partie dont nous avons déjà évoqué les trois études qui la composent, s’avère donc d’une grande richesse tant en termes de connaissances que de questionnements énoncés au profit du lecteur. Rédigé par des historiens de la médecine, des philosophes, des fonctionnaires internationaux, des médecins, des biochimistes, des épidémiologistes, des écrivains, des historiens de l’art, des géographes, des spécialistes de la santé publique, il fait finalement songer, de manière inattendue, à la façon dont la médecine a été « écrite » et abordée à la Renaissance et à l’époque moderne : affaire de médecins, mais aussi de patients, de philosophes, de théologiens, d’écrivains – essayistes, poètes, hommes de théâtre. Malgré l’ancrage des études dans l’époque contemporaine, le parti-pris évoqué plus haut en faveur d’une approche pluridisciplinaire et favorable aux humanités médicales plonge ses racines loin dans le passé.

Au-delà de cette caractéristique saillante, l’ouvrage recèle sans doute quelques manques. L’analyse de la pensée médicale contemporaine qui y est proposée ne dispose pas de la distance temporelle nécessaire pour dégager l’esprit singulier de notre époque, comme l’ont fait les ouvrages précédents au sujet des temps qu’ils ont abordés (Antiquité et Moyen-âge, Renaissance et Lumières, âge romantique et époque moderne).

L’ouvrage recèle par ailleurs des lacunes, parfois identifiées, comme celle relative à l’étude des médecines alternatives (Avant-propos, p. 8), et à certains égards, ressemble à un patchwork d’éléments disparates, malgré les efforts de composition qui ont présidé de façon évidente à son organisation. Finalement, compte tenu de sa position dans la série d’ouvrages initiée par M. D. Grmek, il fait naître un souhait non satisfait de voir développée une réflexion sur les continuités, discontinuités et variations entre les époques médicales dont il est fait le tableau, d’ouvrage en ouvrage.

Ces remarques ne minorent en rien l’intérêt de l’ouvrage d’autant que celui-ci, écrit par des spécialistes, à qui est laissé la responsabilité de leur propos et de leur point de vue, entend s’adresser au lecteur profane et fait preuve, dans son ensemble, d’une remarquable clarté. Demeure une question, au sujet du parti-pris en faveur des humanités médicales. A-t-on raison d’opposer celles-ci, comme un bouclier défensif, à la médecine fondée sur la preuve, et plus généralement à une approche exclusivement scientifique de la médecine ? Ne devrait-on pas, à l’inverse, souligner leur nécessaire complémentarité ? Est-il pertinent de considérer que le salut de la médecine en tant que pratique de soin dotée de sens pour les patients/personnes ne peut venir que des humanités médicales ? Ne serait-il pas tout aussi juste de reconnaître que du soin de certaines pathologies ou de pratiques médicales relatives à certains âges de la vie humaine émerge également une interrogation éthique et anthropologique sur le sens de la médecine ? En la matière, il n’y a rien à gagner d’une logique de l’opposition, mais tout d’une alliance entre les humanités médicales et la médecine la plus « scientifique » qui soit et de la reconnaissance des efforts convergents accomplis de part et d’autre pour conjuguer soin médical et examen de la vie qui vaut d’être vécue.

par Marie Gaille, le 17 septembre 2014

Pour citer cet article :

Marie Gaille, « Tableau des humanités médicales », La Vie des idées , 17 septembre 2014. ISSN : 2105-3030. URL : https://laviedesidees.fr./Tableau-des-humanites-medicales

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