De Nalkowska à Milosz, nombreux sont les écrivains polonais à avoir évoqué la Shoah. Leurs « textes-témoins », qui mettent en lumière l’expérience des victimes juives et l’attitude des Polonais, soulignent aussi le rôle de la poésie dans la littérature polonaise.
Dans un recueil d’articles mêlant analyse et féminisme, l’historienne américaine Abigail Solomon-Godeau critique l’esthétisme du discours muséal, et les canons photographiques qu’il impose aux artistes.
Un recueil documenté rassemble désormais une centaine d’articles de Jean Starobinski sur la littérature et les arts. Il rappelle la place majeure qu’occupe dans le paysage critique des 70 dernières années une œuvre qui ne cesse d’entrevoir et de susciter des correspondances.
Un temps oublié, Henri Guillemin (1903-1992) retrouve un public grâce à la diffusion de ses conférences sur le web. Ce critique traîne une réputation de partialité. Faut-il pour autant nier ses intuitions ? Patrick Berthier retrace le parcours de cet intellectuel réfractaire, qui sut mettre les médias au service d’un savoir hétérodoxe.
Camus, en qui Sartre voyait « l’admirable conjonction d’un homme, d’une action et d’une œuvre », incarne la figure très française de l’intellectuel engagé, ou de ce qu’on nomme outre-Atlantique un intellectuel public. Soixante-dix ans après la parution de L’Étranger, son œuvre continue de fasciner les lecteurs américains.
La télévision contamine le cinéma et ne permet aucune expérience du monde. Dans ses derniers textes, Serge Daney pointe la naissance d’un nouvel ordre audiovisuel, qui n’enregistre plus la réalité et qui ne renvoie plus qu’à lui-même.
Notre monde n’est pas d’emblée commun, mais la fiction travaille à en tisser les liens. Pour Maylis de Kerangal, l’imagination rassemble ce qui est épars, nous invitant à penser autrement la circulation technique des savoirs.
D’Umberto Eco, le grand public connaît en général les romans et les ouvrages critiques où l’auteur déploie sa théorie de la réception ; mais sait-il que ce pan de son œuvre n’est qu’une pièce d’une sémiotique générale placée sous le signe de la philosophie ?
Les textes sont formels : loin de proscrire la jovialité et la plaisanterie, la culture musulmane fait la part belle aux rieurs, qu’ils prennent les traits du fou, du parasite ou du bédouin comme ceux du calife et du Prophète, les deux principales figures d’autorité.
Selon le journaliste et critique Jeff Chang, une part du pouvoir d’attraction de Donald Trump tient à l’héritage de la « guerre des cultures » qui a fait rage dans les années 1990, opposant les tenants du multiculturalisme et ceux du post-racialisme. Reste à voir si les mouvements pour la justice qui sont nés sur le terrain pourront s’unir pour résister à la politique du nouveau président.
Julien Gosselin est metteur en scène. Avec sa compagnie Si vous pouviez lécher mon cœur, il a notamment créé en 2013 les Particules élémentaires, d’après le roman de Michel Houellebecq et, en 2016, 2666 de Roberto Bolaño. Défendant l’impureté constitutive du théâtre, il explique comment la scène contemporaine doit se faire le lieu de réflexion de la violence du monde.
Plus de soixante-dix ans après la création de la Sécurité sociale, la sociologue Colette Bec et le réalisateur Gilles Perret débattent des idées qui ont construit la protection sociale en France et des évolutions libérales auxquelles elle est aujourd’hui confrontée.
Avec l’exposition « The Color Line », le Musée du Quai Branly propose de faire découvrir des artistes africains-américains méconnus et leur contribution multiforme à la lutte contre la ségrégation et les discriminations. Elle véhicule malheureusement une version datée de l’histoire des Noirs et omet des dimensions essentielles de l’art africain-américain.
Louis Marin a élaboré une méthode singulière d’interprétation des œuvres, que celles-ci soient philosophiques, littéraires ou picturales. Il s’est pour cela tenu à l’écart des barrières disciplinaires, ou plutôt a su les traverser, comme on passe d’une rue à une autre.
Primé par la Palme d’or à Cannes, le dernier film de Ken Loach suit le combat d’un charpentier victime d’un accident cardiaque pour faire valoir ses droits à une allocation de chômage. I, Daniel Blake, offre une juste description de la déshumanisation subie par les plus démunis dans un Royaume-Uni miné par la désindustrialisation et les inégalités.
Comment se détermine la valeur de l’art contemporain sur un marché de l’art globalisé ? Dans le domaine de l’art contemporain mainstream, la formation du prix résulte d’un processus multipolaire dont les artistes, les marchands et les collectionneurs n’ont plus l’exclusivité dans la mesure où interviennent désormais des intermédiaires obscurs ou invisibles.
Dans cet entretien, Franck Leibovici revient sur son processus créatif. Le travail de l’artiste ne consiste pas tant, selon lui, à créer des œuvres d’art ex nihilo pour le monde de l’art qu’à proposer de nouveaux outils pour opérer sur d’autres disciplines et en révéler les modes de fonctionnement.
À partir de la fin du XVIIIe siècle, un discours critique émerge qui s’impose bientôt comme un intermédiaire entre le public et les œuvres. La revue Sociétés et Représentations revient sur la professionnalisation progressive du milieu, et sur sa féminisation.
En analysant trois daguerréotypes représentant la rue du Faubourg-du-Temple les 25 et 26 juin 1848, l’historien Olivier Ihl dessine une « géographie barricadière » de Paris et retrace un moment d’histoire urbaine. Ces clichés donnent à voir la matérialisation d’une aventure collective au début de la Deuxième République.
Artiste essentielle de l’art féministe des années 1970, l’américaine Judy Chicago reste encore peu connue en France. Une exposition organisée au Musée d’art contemporain de Bordeaux (CAPC) jusqu’au 4 septembre rend hommage à son œuvre et à sa pensée, entièrement consacrées à la cause des femmes.
Comment mettre les sciences sociales en exposition ? En organisant la rencontre des analyses et des ambitions politiques de Bruno Latour et de certaines œuvres contemporaines, « Reset Modernity ! » fait le pari que les musées peuvent être des espaces de dialogue, et d’un travail collectif sur les enjeux écologiques actuels.
Comment rendre compte de notre expérience du contemporain ? À travers une analyse transhistorique d’une catégorie encore largement mésestimée dans l’histoire des arts et les études littéraires, L. Ruffel décrit l’utopie d’un XXIe siècle multiple, pluriel et pleinement démocratique.
La fameuse crise de la littérature est en réalité celle de son partage. Une forme d’anesthésie a enferré les études littéraires dans des routines théoriques qui étouffent les réactions du lecteur ordinaire. Hélène Merlin-Kajman pose les jalons d’une « analyse transitionnelle » qui rend justice aux émotions et à l’aptitude à occuper, par le langage, des espaces communs.
Pour réparer une société, il n’est pas nécessaire de prendre son bâton de « civilisateur » républicain. Les romans de George Sand, loin d’être des contes champêtres, proposent une manière souterraine de faire de la politique – un projet démocratique sans prêche ni violence.
Qu’a fait l’Inde à la littérature française ? Guillaume Bridet croise les sources et les approches pour montrer comment, après la Grande Guerre, la réception des écrivains indiens ‒ Tagore au premier chef ‒ favorise le passage de l’exotisme à une vision décolonisée. L’analyse décentre à la fois les études orientalistes et l’histoire littéraire traditionnelle.
Si le théâtre est profondément politique, c’est parce qu’il est engagé et participatif : il répond à l’urgence des temps, en traitant le spectateur comme un citoyen et en faisant de la scène un espace social inclusif. Retour sur un potentiel révolutionnaire.
Antique et renaissante, mi-lolita, mi-déesse, la nymphe est, selon G. Didi-Huberman, marchant dans les pas d’Aby Warburg, un personnage récurrent de l’histoire de l’art, qu’elle irrigue de son nimbe et de sa fastueuse fluidité.
En URSS, de nombreux films ont été consacrés aux années de révolution et de guerre civile. Leur étude met en lumière le travail de l’idéologie et de la censure, tout en posant la question de la réception et de la « vérité documentaire ».
Un nouveau recueil sous la direction d’Emmanuel Alloa, portant sur le développement des études visuelles, éclaire ce que l’anthropologie apporte à notre perception de l’image. La richesse et la diversité des approches, cependant, rend difficile une perception unifiée de la question.
Peut-on encore défendre les langues mortes sans être taxé de conservatisme et sans idéaliser les cultures antiques ? Prolongeant le débat ravivé en 2015 par la réforme du Collège, l’helléniste Pierre Judet de La Combe milite pour le maintien d’un rapport direct et critique avec les Anciens.
Que nous apprend la littérature de la mauvaise foi ? Dans un essai entraînant, Maxime Decout complète les approches issues des sciences humaines et sociales, et renouvelle le débat sur l’invention littéraire.
En étudiant les mutations de la photographie depuis ses origines, on s’aperçoit que, contrairement à ce que l’on croit souvent, elle exalte l’artifice, la fiction et l’imaginaire, forte de son esthétique antinaturaliste. Et si le XIXe siècle était la matrice de notre modernité artistique ?
Une minutieuse enquête historique révèle les libertés que l’auteur du Voyage au bout de la nuit a prises avec son expérience de guerre. Ces flatteuses inventions auraient permis d’assurer la diffusion des pamphlets dans les années 1930 et de se dédouaner au moment de l’Épuration.
L’hyperréalisme de The Revenant ne doit pas tromper : le film d’Iñárritu est davantage l’ego trip d’un cinéaste virtuose qu’une peinture fidèle de ce que les trappeurs ont amené à la conquête de l’Ouest. Malgré une reconstitution soignée des conditions de vie, les clichés et les approximations y sont nombreux.
Il est de coutume de dire que les romans naturalistes s’efforcent de décrypter le monde. Une thèse iconoclaste vient soutenir le contraire : Zola aurait éprouvé un malaise vis-à-vis du réel, projetant ses fantasmes sur l’écran opaque de ses textes. Serait-il, dans l’ordre romanesque, l’équivalent de Mallarmé ou de Kandinsky ?
En partant des expérimentations de trois ensembles européens de musique improvisée au tournant des années 1960-1970, Matthieu Saladin se propose de dégager une esthétique de l’improvisation libre, esthétique qui selon lui possède une authentique dimension politique.
Loin des polémiques, cet ouvrage collectif publié dans la collection Vie des idées - Puf propose de comprendre les processus d’évaluation de l’œuvre contemporaine en prenant appui sur l’étude des acteurs du monde de l’art.
La 13e Biennale d’art contemporain de Lyon vient de s’achever. Loin d’un rappel nostalgique à un projet moderne historiquement dépassé, cette ambitieuse édition intitulée « La Vie moderne » signalait la reprise de l’idée de moderne sous une forme amplifiée, post-postmoderne, hypermoderne, altermoderne. Un pari tenu…
Un ouvrage se consacre aux écrits de l’écrivain et trompettiste américain Ralph Ellison sur le jazz et lance ainsi une longue et stimulante réflexion sur sa théorie de la condition noire américaine.
Qu’est-ce que « dessiner l’Histoire » ? La généalogie des images du passé et la fréquentation des auteurs de bande dessinée ouvrent de nouvelles pistes au chercheur.